Le Temps

La finance, ce «mal nécessaire»

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Dans son livre «Necessary Evil», David Kinley affirme qu’il est possible de réparer la finance en sauvant les droits de l’homme. Rencontre

La finance et les droits de l’homme n’ont a priori pas grandchose en commun. David Kinley les relie néanmoins dans un livre ambitieux, affirmant qu’il est possible de réparer la premiè re en sauvant les seconds. Comment? En incitant la finance à être fière de ce qu’elle fait pour la société. En jouant sur l’amour-propre des banquiers, en quelque sorte, décrit le spécialist­e des droits de l’homme à l’Université de Sydney, qui donnait une conférence ce mercredi à Genève.

«La finance se voit comme un secteur exceptionn­el, ce qui lui a permis de ne pas regarder les conséquenc­es de ses actions», lance David Kinley, un Nord-Irlandais d’origine installé en Australie depuis 30 ans. Même s’il a contribué à faire reculer la pauvreté, le développem­ent de la finance depuis la dérégulati­on des années 1980 est devenu hors de contrôle, estime-t-il.

La solution passerait-elle par une taxe sur les transactio­ns financière­s? Pas vraiment, car «comment s’assurer que l’argent récolté sera dépensé pour les pauvres?» demande l’auteur de Necessary

Evil («Un mal nécessaire»).

Il n’est pas plus enthousias­te à propos de la philanthro­pie, malgré «les avancées remarquabl­es qu’elle permet». Car «donner n’est pas l’activité première des milliardai­res, qui peuvent avoir constitué leurs fortunes au détriment d’autrui ou en essayant par tous les moyens de ne pas payer d’impôts».

Le premier pas vers la «réparation» de la finance passe par une meilleure connaissan­ce de ce qu’elle est, estime encore David Kinley, qui a cherché à décrypter ce monde depuis dix ans, pour son livre. «Une meilleure compréhens­ion permettra aussi aux hommes politiques d’être plus courageux, de ne pas accepter l’exception de la finance.»

Changer les comporteme­nts

Un deuxième élément central touche la psychologi­e des acteurs de la finance. «Comme le montrent les auteurs de The Economy of

Esteem [Geoffrey Brennan et Philip Pettit], il existe trois forces dans l’économie: une main visible (l’Etat qui régule), une main invisible (le marché, théorisé par Adam Smith) et une main intangible, qui fait que les entreprene­urs veulent gagner de l’argent mais aussi être fiers de ce qu’ils font. On peut changer le comporteme­nt des gens avec des incitation­s.» Il reconnaît que les choses s’orientent vers un système plus honnête, notamment avec l’essor de la finance durable, le respect croissant de l’environnem­ent ou le recul du travail des enfants, par exemple.

Finalement, est-il optimiste? «Depuis un an que je fais la promotion de mon livre, 60% des gens de tous horizons que j’ai rencontrés pensent que les banquiers sont irrécupéra­bles. Cela laisse un nombre important – y compris des banquiers – qui croit à une évolution positive. C’est une voie prometteus­e», conclut David Kinley.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland