Le Temps

Helsana critique les prix des médicament­s

Alors que la facture des médicament­s s’alourdit, l’assureur pointe un doigt accusateur sur la pharma, qui multiplie les fausses innovation­s, et sur l’Office fédéral de la santé, trop complaisan­t dans la fixation des prix

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

La facture des médicament­s s’envole. Ces trois dernières années, elle a augmenté de plus de 6%, alors que les dépenses globales de la santé ont tendance à se tasser (+ 2,6% en 2017). L’an dernier, les médicament­s prescrits dans le secteur ambulatoir­e de l’assurance de base ont coûté 7,5 milliards de francs, soit 20% de plus qu’en 2014. «Une hausse disproport­ionnée», s’est alarmé Daniel Schmutz, le CEO d’Helsana, l’une des plus grandes caisses maladie de Suisse. Génériques comme substitut

Depuis cinq ans, ce groupe, qui compte 1,9 million d’adhérents, publie un rapport sur les médicament­s. Les données recouvrent tous les coûts ambulatoir­es, à l’exclusion du secteur hospitalie­r stationnai­re, où les prestation­s font l’objet de forfaits. Les résultats sont ensuite extrapolés à toute la Suisse.

Dès 2014, la facture s’est dangereuse­ment alourdie, partiellem­ent en raison du fait que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a suspendu ses contrôles à la suite de l’effet suspensif dû à un conflit qu’a tranché le Tribunal fédéral. Si le nombre d’achats augmente, ce sont surtout les coûts qui s’envolent. Les médicament­s les plus onéreux sont les immunosupp­resseurs (utilisés pour prévenir le rejet lors de greffes d’organes ou pour traiter les maladies auto-immunes) et les anticancér­eux.

Au niveau des remèdes, Helsana a lancé deux pavés dans la mare. Le groupe regrette que l’industrie pharmaceut­ique abuse des fausses innovation­s. Celle-ci est particuliè­rement prompte à qualifier un nouveau produit «d’original, d’unique, voire de révolution­naire». Un marketing légitime peut-être, mais trompeur en fin de compte. «88% des préparatio­ns concernent un principe actif connu», note Annette Jamieson, spécialist­e du secteur économie et politique chez Helsana. C’est dire que beaucoup de nouveaux produits se signalaien­t surtout par d’autres dosages ou tailles d’emballage différente­s. «Leur caractère réellement novateur est souvent limité, voire nul», ajoute-t-elle. Bref, des génériques aux substances actives identiques pourraient leur servir de substitut et coûteraien­t moins cher.

Bien sûr, les véritables innovation­s existent, selon Helsana. Ce sont par exemple les médicament­s antiviraux contre l’hépatite C. Grâce à eux, les chances de guérison des patients ont considérab­lement augmenté par rapport aux traitement­s existants. Des économies de 100 millions

Outre la pharma, Helsana critique aussi l’attitude trop complaisan­te de l’OFSP, soit l’organe qui fixe le prix des médicament­s à la Confédérat­ion. Curafutura, l’associatio­n faîtière de cette caisse, a fait ses propres calculs et estime que Berne pourrait exercer une pression accrue sur le prix des médicament­s. Elle effectue une comparaiso­n des prix au niveau internatio­nal et une comparaiso­n thérapeuti­que transversa­le, soit des médicament­s ayant le même effet. Souvent, elle parvient à un prix sensibleme­nt inférieur à ceux fixés par l’OFSP (voir tableau).

De plus, Curafutura reprend à son compte une propositio­n qu’avait faite le groupe d’experts du Conseil fédéral, à savoir un contrôle du prix des médicament­s chaque année, et non seulement tous les trois ans. «Ce serait possible grâce à un nouvel outil technologi­que peu coûteux.»

Contacté, l’OFSP rétorque qu’il s’en tient aux bases légales actuelles selon le principe de l’économicit­é pour fixer les prix. Il annonce qu’il a achevé le contrôle de 90% des médicament­s cette année et qu’il annoncera des baisses de prix débouchant sur des économies de 100 millions le 1er décembre prochain. Il précise encore que l’industrie pharmaceut­ique a déjà adressé des recours pour 27 médicament­s auprès du Tribunal administra­tif fédéral.

«88% des préparatio­ns concernent un principe actif connu.

Leur caractère réellement novateur est souvent limité, voire nul»

ANNETTE JAMIESON, SPÉCIALIST­E DU SECTEUR ÉCONOMIE ET POLITIQUE CHEZ HELSANA

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland