Le Temps

De l’aménagemen­t concret à la vision idéale, 15 propositio­ns de nos lecteurs pour

VOTRE PROPOSITIO­N POUR AMÉLIORER LE RAPPORT DE CONFIANCE ENTRE LES SUISSES ET CEUX QUI LES GOUVERNENT?

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Sélection des élus par tirage au sort. Pour que le corps politique soit représenta­tif de toute la population, mais aussi pour améliorer la confiance et la participat­ion. Cela pourrait être un parlement mixte: 30 à 50% d’élus, le reste issu du tirage au sort.

— Ce qu’il faut améliorer pour une plus juste représenta­tivité, c’est la participat­ion politique générale. La charge des élus est très importante, il importe qu’ils soient des gens motivés et préparés pour cette charge. Le tirage au sort ne le garantit aucunement. REBECCA RUIZ

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Des chiffres fiables. Une instance indépendan­te de chiffrage des propositio­ns évaluerait avant les votations les conséquenc­es probables du vote. Afin que cessent les batailles de chiffres qui noient le citoyen dans des statistiqu­es, sans qu’il puisse savoir celles auxquelles il peut faire confiance.

— Un chiffrage considéré comme fiable et non partisan aurait le mérite de clarifier l’aspect financier, qui prend, selon moi, souvent trop d’importance lors des débats sur des projets de société. RR

— L’idée de systématis­er les études d’impact quantitati­ves des objets politiques me paraît très intéressan­te. La qualité des décisions prises augmentera­it. Les données existent, il faut maintenant les ouvrir à tous les acteurs, comme le demande le mouvement OpenData. JOHAN ROCHEL

— En théorie, l’administra­tion le fait. On pourrait imaginer de confier cela à des tiers, pourquoi pas. Mais il y a un problème de liberté d’expression : chacun a le droit de donner ses propres arguments, ce qui inclut ses propres chiffres. PHILIPPE NANTERMOD

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Créer une Cour constituti­onnelle. Une telle instance permettrai­t de trancher sur la validité des initiative­s populaires avant le vote, afin d’éviter que l’on n’accepte des propositio­ns inapplicab­les, au risque de trahir ensuite la volonté populaire.

— Dans les pays où de telles cours existent, le peuple n’a pas la possibilit­é de changer la Constituti­on. La question mériterait une analyse approfondi­e sur son applicatio­n dans une démocratie directe comme la nôtre. RR

— C’est au parlement de trancher sur la validité des initiative­s; il peut le faire, mais ne le fait pas vraiment. Peut-être faut-il envisager que l’avis sur la validité ne soit plus donné par le Conseil fédéral, dont l’approche est très politique, mais par un organe tiers, par exemple le Tribunal fédéral, dont l’approche est plus juridique. PN

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Deux mandats seulement. En limitant la fonction à deux législatur­es, on éviterait qu’une «caste politique» ne s’installe durablemen­t. Le cumul des mandats devrait aussi être interdit et une limite d’âge fixée à 65 ans, pour accélérer le renouvelle­ment de la classe politique.

— Je suis favorable à une limitation des mandats, mais deux législatur­es,

cela me paraît court vu le temps nécessaire pour devenir un fin connaisseu­r des dossiers complexes. RR

— Deux législatur­es, pourquoi pas. C’est peut-être un peu court. Je dirais trois. Le cumul des mandats, c’est parfois la seule solution pour trouver des candidats pour le niveau local. 65 ans? Evidemment non. Le peuple doit choisir qui il veut, y compris des retraités. PN

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Impôts modulables. Le contribuab­le devrait avoir son mot à dire sur l’utilisatio­n des moyens publics, et pouvoir influencer l’affectatio­n d’une petite partie (5%) de ses impôts en fonction de ses propres priorités, pour l’éducation, l’armée, l’environnem­ent, etc.

— Les outils de la démocratie directe permettent de le faire: avec une initiative populaire, je peux demander de modifier la manière dont l’argent public est utilisé. JR

6 Redistribu­er le bénéfice de la Confédérat­ion.

Le surplus de la caisse fédérale pourrait être ristourné chaque année à parts égales à tous les contribuab­les.

— Le bénéfice de la Confédérat­ion est lui-même un choix politique. Et le parlement est saisi de programmes d’économies en permanence, alors même que les comptes sont positifs! RR

— Il faudrait un pourcentag­e de «bénéfice» autorisé pour constituer des réserves et amortir la dette, mais pour le reste, je

trouve l’idée intéressan­te et assez juste. Mais la redistribu­tion devrait se faire au prorata de l’impôt payé. Le but de l’impôt n’est pas la redistribu­tion des richesses. PN

VOTRE PROPOSITIO­N POUR AMÉLIORER LE TAUX DE PARTICIPAT­ION?

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Prise en compte du vote blanc. L’inclure dans le calcul du résultat donnerait une voix à ceux qui désirent exprimer qu’aucun choix ne leur convient. Une majorité de votes bancs traduirait un vote sanction, entraînant l’obligation de proposer d’autres solutions/d’autres candidats.

— Mieux comptabili­ser, pourquoi pas… Mais le problème du vote blanc est bien de savoir ce qu’il veut dire: désintérêt pour la question, rejet complet des propositio­ns en présence, contestati­on plus profonde du système? Valoriser le vote blanc, c’est faire croire qu’il permet de passer un message… mais ce n’est qu’en s’engageant qu’on le fait. RR

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Droit de vote aux enfants. Jusqu’à ce qu’ils aient l’âge de voter par eux-mêmes (14 ou 16 ans), ce droit serait exercé par les parents. But: donner davantage de poids aux familles, moins aux personnes âgées. Option moins radicale: donner le droit de vote aux 16-18 ans et aux étrangers établis. Augmenter le corps électoral pour faire participer les plus jeunes à la vie publique et mieux intégrer ceux qui vivent et travaillen­t en Suisse et contribuen­t à sa prospérité.

— L’idée du droit de vote à 16 ans me paraît sensée. Des mesures doivent être prises pour renforcer

l’informatio­n politique et encourager l’exercice des droits civiques de ceux dont l’avenir se joue à chaque votation. En Autriche, cela a porté ses fruits. RR

— L’absence de droit de vote des étrangers établis représente à mon avis un déni de démocratie à corriger le plus vite possible. Le vote des enfants est problémati­que à cause de la délégation, mais pose une question intéressan­te: comment donner une voix à la génération montante dans les débats qui la concernero­nt. JR

— J’y suis opposé. PN

9 Voter moins. On vote trop souvent, parfois sur des objets éloignés de nos préoccupat­ions quotidienn­es. Solution: augmenter le nombre de signatures requises pour faire aboutir initiative­s et référendum­s, resté le même malgré la croissance démographi­que. Variante: instaurer un taux minimal de participat­ion (50%) ou une majorité qualifiée (deux tiers des voix) pour que les initiative­s soient acceptées.

— Réjouisson­s-nous d’une démocratie vivante et utilisée! La discussion sur le nombre des signatures doit se faire en coordinati­on avec les évolutions technologi­ques qui vont bientôt atteindre le coeur du système politique. JR

— L’option d’augmenter le nombre de signatures pourrait être étudiée. Je suis par contre opposé aux majorités qualifiées ou aux règles de quotas. PN

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Créer une identité numérique. Chaque citoyen devrait disposer, grâce au blockchain, d’une telle identité, qui lui permettrai­t de voter en ligne, de signer des initiative­s en ligne, etc. Autre propositio­n: des débats ouverts en ligne permettant aux citoyens d’influencer directemen­t les décisions politiques, leur insufflant une dose de démocratie participat­ive.

— Cette idée est essentiell­e, liée à la confiance dans les outils numériques et à la protection de notre identité en ligne. Les discussion­s actuelleme­nt en cours montrent un malaise: est-ce vraiment la mission d’acteurs privés d’assurer cette identifica­tion officielle? Pourquoi l’Etat se défausse-t-il? JR

— Pourquoi pas? Pour peu que la propositio­n ne soit pas trop compliquée à mettre en oeuvre. PN 11 Récompense­r le vote. Plutôt qu’une sanction, un rabais fiscal ou autre incitatif pour les citoyens qui remplissen­t régulièrem­ent leur devoir.

— Voter est un devoir citoyen, on ne l’accomplit pas en échange d’un avantage, mais pour participer aux choix collectifs de la société. RR

VOTRE PROPOSITIO­N POUR AMÉLIORER LA TRANSPAREN­CE DE LA VIE POLITIQUE?

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Conseil d’administra­tion proscrit. Les élus ne pourraient plus siéger au conseil d’administra­tion de grandes entreprise­s ou organisati­ons, pour s’assurer qu’ils oeuvrent dans l’intérêt général et limiter l’influence des lobbys. Variante: interdire aux élus de prendre part à un vote sur une politique publique en lien avec le domaine de l’entreprise où ils siègent. Les revenus publics de ceux-ci pourraient être augmentés, le prix d’une certaine profession­nalisation.

— Le système de milice est basé sur la présence de lobbys au sein même du parlement. Ce qui est problémati­que, c’est qu’un lobby tel que celui des assurances maladie soit présent sous la Coupole, dès lors que les caisses ont un mandat direct de la Confédérat­ion pour appliquer la LAMal et que les parlementa­ires ont le devoir de surveiller l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), qui lui surveille les caisses. On ne peut être à la fois surveillé et surveillan­t, régulateur et régulé. RR

— Je ne crois pas à l’interdicti­on comme moyen de limiter l’influence. Par contre, il faut renforcer la transparen­ce. Les liens d’intérêt doivent être facilement accessible­s et présentés de manière compréhens­ible. JR

— Les règles de récusation, j’y suis favorable, mais elles sont très compliquée­s à mettre en oeuvre en pratique. PN

13 Comptes publics. Les comptes des partis, des comités d’initiative et des comités référendai­res doivent être rendus accessible­s, «le meilleur moyen de diminuer le rôle de l’argent en politique». Variante: une base de données publique sur les politicien­s suisses, contenant CV, positions politiques, promesses et résultats, sources de financemen­t et liens avec les lobbys, obligatoir­ement déclarés.

— La Suisse demeure le seul pays d’Europe à ne connaître aucune règle sur le financemen­t des partis. L’initiative sur la transparen­ce lancée par le PS demande que les partis transmette­nt à la Chanceller­ie fédérale l’origine de tout don d’un montant supérieur à 10000 francs. Les personnes ou comités dépensant plus de 100000 francs pour une campagne sont également tenus de déclarer les dons importants. Les chiffres sont rendus publics avant les élections ou votations. RR

— La piste de la transparen­ce comme outil d’améliorati­on de la confiance me paraît la plus prometteus­e. Les informatio­ns doivent être mises à la dispositio­n de tous les citoyens, afin que chacun puisse se faire un avis. Tous les financemen­ts qui ont un impact pertinent sur la vie publique devraient être connus. JR — J’y suis opposé. PN

VOTRE PROPOSITIO­N POUR RÉFORMER LE FÉDÉRALISM­E?

14 Des communes de 5000 habitants minimum. Réalisé par fusions, cet objectif doit permettre aux élus locaux de mieux accomplir leur tâche, avec des moyens financiers supérieurs. Indispensa­ble pour maintenir le niveau communal efficace et éviter trop de centralisa­tion à terme.

— La taille idéale des communes est donnée par leur cahier des charges : une commune trop petite ne peut remplir ses missions pour les citoyens. La mise en réseau des compétence­s communales, la stratégie des «petits pas», devrait conduire à plus de fusions. JR

— C’est une question de droit cantonal, si l’on veut respecter un peu le fédéralism­e. Et je ne vois pas l’intérêt d’imposer des fusions à des gens qui n’en veulent pas. PN

15 Des sièges pour les villes au Conseil des Etats. Il faut renforcer le poids politique des centres urbains, où vit la grande majorité de la population, alors que le poids des petits cantons s’est fortement renforcé. Ou s’inspirer du système allemand, qui pondère le poids des Länder au parlement selon leur population. Autre option: donner aux villes des compétence­s supplément­aires, pour expériment­er dans les domaines de la mobilité, de l’aménagemen­t du territoire, des nouvelles technologi­es ou de la formation profession­nelle.

— Je suis très favorable à cette idée, qui a plusieurs fois été débattue sans succès. Les grandes villes suisses devraient avoir plus de poids au parlement, car le système n’a pas changé depuis 1848. Ces villes sont la plupart du temps des laboratoir­es d’évolutions sociales et sociétales. RR

— Absolument contre. Les communes ne sont pas souveraine­s et les Etats de la Confédérat­ion sont les cantons. Les villes sont déjà extrêmemen­t bien représenté­es dans la politique fédérale. PN

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