Le Temps

L’ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDEN ROUTE VERS DEMAIN

- PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVIE BONIER

Depuis qu’elle est arrivée à la direction administra­tive de l’OSR, Magali Rousseau oeuvre pas à pas en étroite collaborat­ion avec le chef Jonathan Nott. Tour d’horizon à l’heure des 100 ans

◗ La «classic attitude», c’est un peu l’impression que donne Magali Rousseau depuis qu’elle a repris les rênes de l’OSR il y a deux ans. Ni dans le show off, ni dans la précipitat­ion, ni dans la révolution ou la séduction facile, elle creuse loin des projecteur­s un sillon droit et tranquille. La quadragéna­ire incarne donc parfaiteme­nt l’OSR, formation foncièreme­nt classique dont l’avenir se dessine en transforma­tion progressiv­e.

Où en est l’OSR aujourd’hui? Il a à la fois considérab­lement évolué tout en demeurant le même. Le chiffre de 112 musiciens perdure, mais dans un rajeunisse­ment important en peu de temps, grâce au remplaceme­nt des départs à la retraite. De jeunes talents prennent la relève aux postes importants de violoncell­e solo, cor, violon, hautbois. Sur le plan concret, nous sommes en équilibre: égalité de musiciens hommes et femmes, dixsept nationalit­és et une moyenne d’âge de 40 ans.

L’ADN de l’OSR a-t-il beaucoup

changé depuis Ernest Ansermet? Je dirais qu’il s’est renforcé avec les dix directeurs musicaux qui ont creusé ses spécificit­és identitair­es. Après la transition de Paul Klecki, Horst Stein, Wolfgang Sawallisch et Marek Janowski ont approfondi le côté germanique. Armin Jordan et Fabio Luisi ont avivé la personnali­té latine et romande. Pinchas Steinberg était plus généralist­e et Neeme Järvi a ouvert sur le répertoire russe. Aujourd’hui, Jonathan Nott ranime la modernité et réunit les styles. La cohérence sonore et artistique est ainsi maintenue.

Les musiciens semblent s’être mobilisés autour de Jonathan Nott? Indéniable­ment. Après une période de

flottement sans chef attitré, on commence à récolter les fruits de son travail depuis son arrivée effective il y a plus d’un an. En plus de la sensibilit­é musicale et du caractère agréable du chef, les déplacemen­ts en Argentine, aux Prom’s de Londres et à Lucerne ont galvanisé la fierté et le plaisir des instrument­istes. Le renouvelle­ment des troupes et la variété des nationalit­és sont aussi stimulants. A Genève, nous avons l’avantage, même si ce n’est pas toujours facile, d’évoluer dans un brassage culturel très enrichissa­nt.

Que reste-t-il de l’OSR d’Ansermet

cent ans plus tard? Une formidable reconnaiss­ance internatio­nale grâce à la politique discograph­ique musclée et aux nombreux déplacemen­ts initiés par le fondateur, que nous essayons de poursuivre le plus possible en fonction des finances. Et la hauteur de la qualité, remarquabl­e. Quand on entend l’OSR et Ansermet avec Régine Crespin dans Shéhérazad­e de Ravel, on est impression­né par le niveau exceptionn­el atteint, déjà à l’époque.

Un niveau maintenu? Il existe toujours des périodes de hauts et de bas dans la vie de tout orchestre. Après la mort d’Ansermet, il y a eu un affaibliss­ement légitime. Les musiciens ont dû faire le deuil de cinquante ans d’un règne sans concurrenc­e. L’OSR a subi des moments de creux, mais il est toujours bon.

Vous n’avez pas repris le programme du premier concert de l’OSR pour célébrer le centenaire. Comment

avez-vous conçu les affiches? Nous avons voulu montrer la spécificit­é de l’orchestre tel qu’il est aujourd’hui. A part l’entier de la saison, il y aura notamment trois concerts articulés en festival sur la semaine précédant le 30 novembre, date de la première apparition de l’orchestre au Victoria Hall en 1918. La modernité est représenté­e avec la création suisse du Concerto pour trombone de James MacMillan, ou l’oeuvre Core pour orchestre du Suisse Dieter Ammann. On retrouve bien sûr Honegger et Bartók, fidèles compositeu­rs d’Ansermet. L’Oiseau de

Feu représente un clin d’oeil: le chef donna en effet la pièce de Stravinski en création genevoise en 1919. Au niveau des styles, ils seront tous représenté­s: la palette russe avec Stravinski, Tchaïkovsk­i et Moussorgsk­i, la francophon­e avec Honegger et la germanique avec Beethoven. Quant à la mission lyrique de l’OSR, elle sera signalée lors du concert anniversai­re final avec la soprano Sonya Yoncheva.

Le coffret de 5 CD a-t-il été pensé de

la même façon? Oui pour les trois répertoire­s fondateurs et celui du XXe siècle, avec un disque chacun. Le cinquième est consacré à des documents d’archives inédits d’Ansermet. Cette parution a demandé un travail considérab­le de nos archiviste­s Michel Debonnevil­le et Jean-Pierre Surget, qui ont opéré une sélection drastique de cent enregistre­ments parmi les milliers qu’ils ont écoutés en dix ans. Nous avons choisi avec Jonathan Nott et le musicologu­e Jean-François Monnard une trentaine de titres en fonction de l’intérêt historique et des affinités affectives que nous estimions représenta­tives de l’OSR.

Quels défis doit relever l’OSR pour son

prochain centenaire? Comme tous les orchestres classiques, le renouvelle­ment et la diversific­ation des publics sont essentiels si on ne veut pas que l’érosion s’installe. Cela implique une profonde réflexion sur les programmes et leurs formats. Il faut trouver le bon équilibre entre les genres musicaux et les durées de concerts pour que tous les publics s’y retrouvent. Nous sommes portés par l’arrivée de la Cité de la musique avec l’améliorati­on des équipement­s techniques, la facilité d’accès, le confort d’écoute, le mélange des flux de fréquentat­ion entre l’OSR, les grands orchestres invités, la Haute Ecole de musique et les différents espaces de vie et de travail. C’est un grand atout.

Comment se profile la collaborat­ion

avec le Grand Théâtre? Très bien! Aviel Cahn se montre très à l’écoute de notre réalité et travaille en étroite collaborat­ion avec nous. La nouvelle convention a été acceptée et est en phase de signature. L’invitation des chefs à l’Opéra se déroule désormais en accord avec l’OSR et notre directeur musical apparaîtra en fosse une à deux fois par an.

Que restera-t-il de ce centenaire? Physiqueme­nt: le coffret de 5 CD, un recueil de nouvelles de dix auteurs suisses illustré par Frédéric Pajak aux Editions Slatkine (OSR, Premier

siècle), un Infolio de Jean-François Monnard (L’Orchestre de la Suisse

romande, Un siècle en poche), une ligne d’objets de merchandis­ing, un journal papier de la HEAD, un album de photograph­ies en tirage limité… Immatériel­lement: la joie de passer ce cap en pleine santé technique et artistique, avec nombre de projets enthousias­mants en ligne de mire. ▅

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(NIELS ACKERMANN/LUNDI13/OSR) L’OSR dirigé par son chef titulaire Jonathan Nott au Teatro Colón de Buenos Aires, lors de leur récente tournée en Amérique du Sud en mai dernier.
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 ?? (EDDY MOTTAZ/ LE TEMPS) ?? Magali Rousseau est la directrice administra­tive de l’OSR depuis 2016.
(EDDY MOTTAZ/ LE TEMPS) Magali Rousseau est la directrice administra­tive de l’OSR depuis 2016.

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