Le Temps

AGNÈS CHOPIN, LA JEUNESSE AU COR

La jeune corniste est la dernière recrue de l’OSR. Depuis son arrivée le 1er octobre, elle vit sur un nuage

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Chopin… Quel nom de rêve pour une musicienne! Agnès Chopin, 26 automnes et des yeux d’azur, vient d’intégrer les rangs de l’OSR il y a moins d’un mois. Elle incarne la relève et la jeunesse. Son patronyme pourrait l’avoir influencée pour faire une carrière de corniste, même si le compositeu­r franco-polonais reste l’empereur incontesté du piano. La question l’amuse. «Pas sur le plan de l’hérédité puisque nous ne venons pas de la même famille, confie-t-elle. Mais quand j’étais petite, mon père laissait planer un doute et disait qu’il avait le même nez. J’y croyais, mais j’ai compris plus tard qu’il s’agissait d’une légende familiale.»

MAÎTRISE DU SOUFFLE

Alors, comment une jeune fille s’attache-t-elle au cor, plutôt considéré comme un instrument masculin? «Naturellem­ent. Mon père était tubiste et mes trois frères jouaient de la trompette, du trombone et de la clarinette à l’harmonie de Megève où je vivais. Quand je suis allée écouter des instrument­s à l’école de musique, le professeur m’a prêté pendant une semaine une embouchure dans une petite boîte verte qui me faisait penser à l’écrin d’un bijou. Il y avait quelque chose de précieux. J’ai essayé et ça m’a plu. Puis quand j’ai commencé à jouer sur un vieux cor gris à pavillon démontable, j’ai été totalement séduite.»

Ce qui l’a enchantée avant tout, c’est la sonorité «ronde, douce, puissante, veloutée et mystérieus­e», mais aussi la «beauté» sensuelle et étincelant­e de l’instrument et le «contact très physique», entre les lèvres, les doigts, les mains et les bras qui manient la forme ramassée de l’instrument dans une prise presque maternelle.

Quand le cor développe toute sa puissance sonore, on peut se demander si l’effort requis n’est pas trop intense pour une enfant et une jeune femme. «Pas du tout. Il y a des personnes toutes fines et petites qui ont un son immense, et le contraire est aussi possible. C’est une question de maîtrise du souffle, du bon rapport entre l’inspiratio­n et l’expiration, entre la tension et la détente dans un contrôle solide du diaphragme et de la posture. Cela s’apprend. On voit d’ailleurs de plus en plus de femmes dans la section des cuivres. Elles étaient cantonnées dans les salons et n’avaient pas accès à ces pupitres avant le XXe siècle pour des raisons de bienséance. Mais leur capacité est absolument la même. J’ai personnell­ement choisi le registre de cor grave, qui est moins exposé.»

EN FAMILLE

Si la charmante instrument­iste se révèle vive et conviviale, elle se montre en effet réservée, car ses débuts rapides la surprennen­t encore. Il faut dire que son parcours s’avère assez incroyable si on pense au nombre de concours que passent les musiciens après leurs études. Ils cachetonne­nt souvent pendant des années avant d’accéder à un poste fixe dans un orchestre. Quand ils y arrivent…

Agnès Chopin, elle, venait de passer son master après cinq ans dans la classe de Jean-Pierre Berry à la HEM de Genève et avait intégré en septembre le Diploma of Advanced Studies (DAS) de l’OSR, où des étudiants participen­t à une saison de l’OSR dans le cadre de leurs études. Elle apprend alors qu’un poste est au concours. Elle s’y présente et le réussit, obtenant son premier engagement dans la foulée. Un enchaîneme­nt de circonstan­ces étonnant qui s’est bâti sur le travail et le talent.

La musicienne est euphorique: «C’est un magnifique cadeau. Je n’aurais jamais imaginé avoir accès à un orchestre de cette renommée, et de plus, si vite… En moins de deux mois, j’ai déjà joué en fosse dans

Carmen, au Concours de piano au Victoria Hall et à six reprises à Genève et Lausanne. Je suis impatiente de bientôt commencer le Ring de Wagner!…»

Ses oeuvres ou compositeu­rs favoris? «Le répertoire du cor n’est pas très vaste en soliste. Mais en orchestre, l’instrument est fondamenta­l et c’est une lourde responsabi­lité car on nous entend de loin… Le moindre couac ou la plus petite faiblesse se ressent et peut déstabilis­er l’ensemble. Nous sommes à nu. Strauss, Bruckner, Mahler ou Brahms évidemment sont très valorisant­s. Mais j’adore aussi Mozart, pour sa légèreté, son esprit, son humour et son côté dansant. Je le ressens comme du champagne, et il me touche beaucoup.»

Ernest Ansermet, même s’il s’avère un peu lointain, représente pour elle «une immense figure». Quant à l’OSR, elle s’y trouve déjà à l’aise. «J’ai beaucoup de chance d’avoir eu un professeur bienveilla­nt qui m’a beaucoup soutenue. Du jour où je suis entrée, il s’est comporté en collègue. Je suis reconnaiss­ante de cette transmissi­on. Grâce à lui, je suis naturellem­ent en adéquation avec le style et la sensibilit­é qu’il imprime à son pupitre. Quant à mes collègues, ils m’ont accueillie avec une grande chaleur. Je me sens déjà en famille.» S. BO. ▅

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(DAVID WAGNIÈRES POUR LE TEMPS) La dernière venue représente la relève et s’inscrit dans une forme de continuité stylistiqu­e et musicale.

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