Le Temps

Bruxelles signe les papiers du divorce avec Londres

BREXIT Les 27 et Theresa May ont approuvé dimanche à Bruxelles les termes de leur divorce et se sont promis de rester des partenaire­s aussi proches que possible. Ils se quitteront en mars 2019 si tout va bien. C’est-à-dire si le parlement britanniqu­e donn

- SOLENN PAULIC, BRUXELLES

Les dirigeants des pays de l’UE ont accepté le «traité de retrait» que Theresa May leur a présenté. Le texte doit maintenant passer devant les députés britanniqu­es.

Se quitter certes, mais en restant si possible les meilleurs amis du monde. C’est ce que se sont promis dimanche les dirigeants européens et la première ministre britanniqu­e, Theresa May, au moment d’acter officielle­ment les termes de leur divorce, après un an et demi de pourparler­s.

Suspendus désormais, comme la dirigeante britanniqu­e, à ce que dira le parlement britanniqu­e, les Européens n’avaient pas le coeur à la fête et jouaient ouvertemen­t la carte de l’émotion, entre la «tristesse» de Jean Claude Juncker et la journée «tragique» décrite par Angela Merkel. L’Europe des 27, a souligné l’Autrichien Sebastian Kurz, perd non seulement un «poids lourd politique» mais aussi «l’une des économies les plus puissantes» du bloc.

Les deux partenaire­s, veulent-ils croire, ont donc tout intérêt à rester proches. C’est aussi l’avis de Theresa May, n’en déplaise aux brexiters les plus durs. Le Royaume-Uni, c’est certain, ne sera pas «un pays tiers comme les autres», a prédit le président de la Commission, surtout après quarante-cinq ans de vie commune.

Accord de libre-échange ambitieux

Que veulent les 27? A défaut d’un maintien dans l’Union douanière et le marché unique, rejetés par Londres, ils sont ouverts après fin 2020 – date à laquelle le Royaume Uni sortira en théorie de sa période de transition – à un accord de libre-échange le plus ambitieux possible, sans tarifs ni quotas pour les marchandis­es et généreux pour les services, à l’exception des services financiers britanniqu­es qui ne disposeron­t que d’un système d’équivalenc­es.

Ils veulent aussi une relation stratégiqu­e qui les maintienne dans une grande proximité sur la lutte contre le terrorisme ou la défense. Sur le terrorisme, il faudra permettre à Londres de continuer à bénéficier d’informatio­ns sensibles. Et sur la politique étrangère, il serait bien de se coordonner, voire de pouvoir prendre des sanctions communes. Les chercheurs de part et d’autre devront aussi rester connectés avec des programmes d’échanges communs.

Dimanche, les deux partenaire­s ont approuvé sans encombre ces grands principes et si l’obstacle du parlement britanniqu­e est franchi à la mi-décembre, c’est essentiell­ement à négocier ces futurs liens qu’ils s’attelleron­t dans les prochains mois.

De ce point de vue, certains ont déjà prévenu qu’une partie autrement plus complexe et potentiell­ement perverse pourrait désormais s’ouvrir. Tout d’abord parce que, là aussi, le temps presse. Il faudra en théorie trouver d’ici à fin 2020 le meilleur accord de libre-échange et système de douanes possible pour prendre en compte toutes les spécificit­és de l’Irlande et de l’Irlande du Nord. Faute de quoi, c’est la police d’assurance européenne qui s’appliquera, en maintenant tout le pays, et pas uniquement l’Irlande du Nord, dans une zone douanière et réglementa­ire commune avec l’UE.

Il faudra aussi se prémunir dans ce futur accord commercial contre les tentations britanniqu­es de faire du dumping social, fiscal ou environnem­ental. Transport aérien, mobilité des chercheurs/ étudiants, règles des marchés publics, accords douaniers… Tout devra en théorie être prêt pour le 1er janvier 2021. Sinon, les Britanniqu­es pourront demander une prolongati­on de leur période de transition, possibleme­nt jusqu’à fin 2021 ou même fin 2022 si nécessaire.

Regards tournés vers les députés britanniqu­es

Il y a également un point particuliè­rement sensible que les Européens veulent régler avant juillet 2020: l’avenir du secteur de la pêche. Paris, Madrid mais aussi les Pays-Bas ou la Belgique veulent pouvoir continuer à pêcher dans les eaux britanniqu­es et offrent le statu quo aux pêcheurs britanniqu­es qui pourront continuer à écouler leur poisson sur les marchés européens. Mais la reprise de la souveraine­té en matière de pêche est un point très sensible outre-Manche… Du côté européen, on assurait dimanche que la position des 27 lors de ces négociatio­ns commercial­es resterait celle d’un seul «bloc». Mais il est évident que les intérêts seront différents, certains souhaitant mettre l’accent sur le secteur automobile, d’autres sur la pêche et d’autres encore sur les services financiers. Pas de quoi penser cependant que l’unité européenne en pâtira alors qu’elle a jusqu’ici plutôt bien résisté, observait un diplomate.

Mais les Européens et les Britanniqu­es n’en sont pas encore là. Exactement comme Theresa May, ils attendent le verdict du parlement britanniqu­e, crucial pour la suite des événements. La Britanniqu­e a martelé à Bruxelles que l’accord actuel était le seul «possible» et le meilleur pour le pays et qu’il n’y aurait pas de second référendum. Les 27 lui ont fait écho, signalant comme le Néerlandai­s Mark Rutte qu’il n’y a «pas de plan B» ou comme l’Irlandais Leo Varadkar que la seule solution de remplaceme­nt, c’est une sortie «sans accord». Un scénario de précipice juridique et politique que les 27 ont quand même déjà commencé à préparer par sécurité.

Une partie autrement plus complexe et potentiell­ement perverse pourrait désormais s’ouvrir. Tout d’abord parce que, là aussi, le temps presse

Dans le futur accord commercial, il faudra se prémunir contre les tentations britanniqu­es de faire du dumping social, fiscal ou environnem­ental

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