Le Temps

«L’UDC a été prise à contrepied par ses adversaire­s»

- PROPOS RECUEILLIS PAR JOCELYN DALOZ @jocelyn_daloz

Le calcul d’une campagne modérée s’est retourné contre le parti, surpris par l’agressivit­é de ses opposants, estime Oscar Mazzoleni

L’UDC a essuyé une défaite parce qu’elle s’est aventurée au-delà de ses thèmes de prédilecti­on et a mené une campagne douce qui s’est heurtée à la virulence de ses adversaire­s. Cela ne veut pas dire qu’elle soit à terre: le dossier européen sera un moyen pour le parti de retrouver ses chevaux de bataille habituels, selon le politologu­e Oscar Mazzoleni.

Quel argument a le plus joué contre l’initiative?

Une votation est gagnée ou perdue lorsqu’un des camps parvient à fédérer plusieurs avis autour d’un thème. Le 9 février 2014, l’UDC avait réussi à faire converger plusieurs arguments. C’est ce qu’ont réussi les adversaire­s aujourd’hui.

Quelle est votre analyse de ce rejet?

C’est un des textes de l’UDC qui a été le moins soutenu. Il lui a néanmoins permis, une fois encore, d’influencer l’agenda politique, ce qui est une des raisons principale­s pour lancer des initiative­s. Par ailleurs, l’UDC a largement mobilisé sa base électorale, ce qui était un des objectifs en vue des élections fédérales.

Sa campagne très dispendieu­se a paru tourner en débâcle à l’approche du vote. A-t-elle raté sa communicat­ion?

Tout le monde l’a oublié, mais le parti a été profondéme­nt déstabilis­é par la condamnati­on pour discrimina­tion raciale de son ancien secrétaire général Martin Baltisser en 2017, au terme d’une longue procédure. Le cas a fait école: l’UDC a conçu une campagne plus douce en espérant rallier des électeurs du centre droit. Cependant, ses adversaire­s l’ont prise à contre-pied et elle n’a pas su se rattraper, même lorsque la frange dure a tenté de relancer la campagne sur des slogans plus percutants.

La modération était donc une erreur stratégiqu­e?

Uniquement parce que les adversaire­s de l’UDC ont mené une campagne musclée, capable d’attirer la part de l’électorat la moins intéressée à la politique. Si les deux s’étaient montrés modérés, le résultat aurait sans doute été différent.

Avec cette initiative, l’UDC a-t-elle pu dicter sa volonté sur le Pacte migratoire de l’ONU?

Elle a sans doute influencé les adversaire­s de l’initiative en ce sens, y compris le gouverneme­nt. Il y a deux lectures possibles: soit la décision de temporiser à propos du Pacte migratoire a désamorcé la polémique et a nui à l’initiative, soit l’UDC a une fois de plus obtenu une concession, grâce à sa stratégie éprouvée qui consiste à réclamer le bras dans l’espoir d’obtenir la main.

Vu l’ampleur du rejet, pensez-vous que cette stratégie de l’UDC s’essouffle?

Cela dépendra de la conjonctur­e, notamment la façon dont l’UE va gérer le Brexit. Une campagne contre la libre circulatio­n aura moins d’impact si le climat économique est favorable, surtout dans la mesure où l’UDC a de la peine à redéfinir sa communicat­ion.

Le dialogue avec l’UE va-t-il reprendre sur de meilleures bases après ce désaveu sur l’autodéterm­ination?

Je pense que les divisions que l’UE crée ne concernent pas que la souveraine­té. Elles touchent aussi le marché du travail, thème cher aux syndicats et à la gauche. Les négociatio­ns pourraient conduire à des convergenc­es «contre nature».

Peut-on tirer de ce résultat un pronostic pour les élections fédérales et l’initiative contre la libre circulatio­n?

C’est prématuré, mais c’est vrai que c’est mal parti pour l’UDC. Tout va dépendre de sa mobilisati­on sur le thème de l’accord-cadre. Ici, le parti pourra jouer son rôle euroscepti­que. Sur le thème de la libre circulatio­n, il reprendra également une posture classique.

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OSCAR MAZZOLENI

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