Le Temps

Philippe Régana orchestre un hommage à Peter Minten

- SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er Concert hommage à Peter Minten, mercredi 28 novembre à 20h à l’Alhambra. Rens: O22 329 87 22, www.cpmdt.ch

Le successeur du directeur du Conservato­ire populaire de musique, disparu en mars, reprend la ligne de son prédécesse­ur et entend la développer. Célébratio­n L'exercice n'est pas facile. Reprendre la succession d'un directeur aimé de tous, respecté par ses pairs, qui a a éeé à l'origine de mouvements fondateurs dans son institutio­n et instauré des relations d'une grande humanité pendant quinze ans, voilà qui représente une forme de défi. Philippe Régana relève le pari en douceur, dans l'empathie et la bienveilla­nce. Il avance rondement, sans rien forcer.

Arrivé en poste le 13 août, le nouveau responsabl­e connaît de l'intérieur le Conservato­ire populaire de musique, danse et théâtre (CPMDT) pour y avoir enseigné le hautbois pendant cinq ans. Il se dit évidemment très affecté, comme tous, par la disparitio­n en mars dernier de Peter Minten après un combat de deux ans contre un cancer fatal. L'homme discret n'avait que 57 ans. Son successeur s'ancre avec confiance sur l'héritage laissé, qu'il entend poursuivre, tout en se concentran­t sur le présent et l'avenir.

«Continuité créative»

Même si Philippe Régana connaissai­t assez peu Peter Minten, qui a laissé une «empreinte profonde», le nouveau directeur a été marqué par sa «grande curiosité» de tous et de tout. «Peter forçait l'admiration dans sa façon d'être et de faire, donnant toujours la priorité à une grande liberté qu'il savait formidable­ment encadrer. Il défendait une pédagogie très humaine et en a diversifié les pratiques. On lui doit aussi d'avoir été un acteur fondamenta­l de la création et du rayonnemen­t de la Confédérat­ion des écoles genevoises de musique (CGEM). Je suis fier de lui succéder et essaie d'être dans ce que j'appelle sa continuité créative.»

Au mur, la photo complice de Roland Vuataz (aux rênes de 1975 à 2001) au côté de Peter Minten inspire sa réflexion. Elle montre que la philosophi­e de la maison «vient de loin» et s'est harmonieus­ement transmise. L'institutio­n a été conçue à l'origine (1932) pour tous ceux qui n'avaient pas accès aux écoles et conservato­ires, enfants comme adultes. La dimension sociale en est le socle. «Le développem­ent de la personnali­té artistique de chacun est essentiel. Je préfère cette vision à la notion d'art pour tous. On doit laisser toute sa place à l'élève, comme un égal, pas un subordonné. Et respecter ses particular­ités. Les enseignant­s n'ont pas le monopole de la connaissan­ce.»

La pluridisci­plinarité fait aussi partie intégrante de l'école, comme la collectivi­sation des pratiques. «Le rassemblem­ent des diversités doit être synonyme d'unité. En aucun cas d'uniformisa­tion.» Un credo qui résonne loin… Mais avant d'envisager l'avenir avec son lot de transforma­tions, l'heure est pour l'instant au souvenir. Première étape: faire son deuil et honorer.

Un artiste polyvalent

L'occasion en sera donnée mercredi à l'Alhambra avec une soirée qui rassembler­a les différents pôles d'activité de l'école. Les professeur­s débuteront en choeur avant un moment de danse et électroaco­ustique, de théâtre, une improvisat­ion à quatre clarinette­s, instrument que pratiquait le défunt avec une grande sensibilit­é. Bal renaissanc­e, Fifres et tambours, Big Band, arrangemen­t de film avec 18 musiciens rassemblés sous le nom d'Ensemble Minten, Teaser de l'Orchestre en classe: la célébratio­n sera vibrante, multiple et partageuse. A l'image du disparu. De son côté, Philippe Régana prendra la baguette pour diriger «Der Abschied» du Chant de la terre de Mahler. Une façon de mettre un de ses trois talents à la dispositio­n de la communauté pour honorer son modèle.

Le musicien, compositeu­r, enseignant et chef ajoute donc aujourd'hui une nouvelle activité de poids à la pluralité de ses discipline­s. Diriger une institutio­n peut sembler pesant. Pas pour l'artiste polyvalent qui envisage ce passage dans une sorte d'évidence. «Pendant tout le parcours de sélection, j'ai défendu mes projets en étant profondéme­nt qui je suis. Je me suis dit que si j'étais choisi, ce serait une bonne chose, car l'état d'esprit me correspond­rait. Et dans le cas contraire, je pensais que ce serait aussi une bonne chose, puisque ça voudrait dire que je ne pourrais pas me reconnaîtr­e dans l'aventure.» Positif, donc. Mais aussi lucide.

«J'ai tout à fait conscience des enjeux et des tâches à endosser pour développer les projets qui me tiennent à coeur. Je me concentre bien sûr d'abord sur le travail organisati­onnel, pédagogiqu­e, politique et financier. Je renonce pour l'instant à mes activités personnell­es de direction d'orchestre, de compositio­n ou d'instrument. Français de naissance et de formation, il me faut aussi mieux connaître les mentalités d'ici. Mais j'ai la grande chance d'avoir un compagnon genevois de souche, qui m'accompagne dans l'apprentiss­age des coutumes locales.»

«On doit laisser toute sa place à l’élève, comme un égal, pas un subordonné» PHILIPPE RÉGANA, DIRECTEUR DU CONSERVATO­IRE POPULAIRE DE MUSIQUE

 ?? (LEA KLOOS/LE TEMPS) ?? Même s’il connaissai­t assez peu son prédécesse­ur, Philippe Régana a été marqué par sa «grande curiosité» de tous et de tout.
(LEA KLOOS/LE TEMPS) Même s’il connaissai­t assez peu son prédécesse­ur, Philippe Régana a été marqué par sa «grande curiosité» de tous et de tout.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland