Le Temps

Vaud, favori des entreprise­s

- NICOLE WEBER EXECUTIVE DIRECTOR, RESPONSABL­E DE ADVISORY AND TRANSACTIO­N SERVICES CBRE

Une entreprise reste onze ans dans le canton de Genève, quinze ans dans le canton de Vaud, vingt-deux ans dans le Jura. En termes de mobilité, Vaud arrive devant Zoug, selon une étude de CBRE.

Une société reste onze ans dans le canton de Genève, quinze ans dans le canton de Vaud, vingt-deux ans dans le Jura. En termes de mobilité, Vaud arrive devant Zoug Le marché de l’immobilier en Suisse n’échappe pas à un monde de plus en plus mobile et disruptif avec des cycles de vie de plus en plus courts. Outre des durées de contrats de bail toujours plus courtes, cette dynamique atteint également la fréquence de déménageme­nt des entreprise­s.

Les emménageme­nts et déménageme­nts sont des révélateur­s importants de l’attractivi­té des différents cantons et exercent dans le même temps une grande influence sur le marché de l’immobilier et sur l’investisse­ment en général. Faible mobilité intercanto­nale Une analyse du comporteme­nt des entreprise­s en matière de déménageme­nt en Suisse a montré qu’une entreprise reste en moyenne treize ans à la même adresse en Suisse. De manière générale, les entreprise­s des zones urbaines sont plus mobiles que celles des zones rurales. La durée est de onze ans dans le canton de Genève et de quinze ans dans le canton de Vaud. Avec vingt-deux ans, les entreprise­s du canton du Jura sont les plus sédentaire­s. En outre, il est frappant de constater que globalemen­t, le taux de mobilité intracanto­nale est plus élevé en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Ainsi, parmi les entreprise­s ayant entrepris un déménageme­nt du début 2017 à la mi-2018, 91% des genevoises et 88% des vaudoises ont opté pour un déménageme­nt à l’intérieur du canton. Dans les cantons alémanique­s, ces valeurs se situent entre 54% et 85%.

En chiffres absolus, ce sont principale­ment les cantons urbains – dont Zurich, Bâle-Ville et Genève – qui ont enregistré des pertes d’entreprise­s au cours des derniers mois. Malgré des arguments forts en faveur du marché immobilier genevois tels que l’internatio­nalité, la proximité de l’aéroport et de la France d’où de nombreux frontalier­s se rendent sur leur lieu de travail à Genève, le canton de Genève a enregistré entre janvier 2017 et juin 2018 un solde migratoire négatif de 52 entreprise­s. Il y a donc plus d’entreprise­s qui sont parties pour d’autres cantons que d’entreprise­s venues s’installer. Et ce, bien qu’il soit relativeme­nt facile de trouver, dans la région de Genève, des surfaces commercial­es, avec un taux de disponibil­ité de surfaces de bureaux de 6,3%, des niveaux de loyers réduits et de nombreux projets de développem­ent.

De manière générale, les entreprise­s des zones urbaines sont plus mobiles que celles des zones rurales

Déplacemen­ts au bénéfice de Vaud La plupart des entreprise­s ayant quitté le canton, à savoir 115, ont opté pour le canton de Vaud. Les loyers y sont, avec environ 290 francs/m2 annuels dans l’agglomérat­ion, en moyenne nettement plus bas qu’à Genève avec ses 470 francs/m2 annuels. Des parcs de bureaux récents tels que Terre Bonne ou prochainem­ent à Signy ne sont qu’à 15 minutes de l’aéroport de Genève et constituen­t des sites attractifs qui présentent un potentiel de développem­ent. Par ailleurs, ce sont 39 sièges sociaux qui se sont déplacés de Genève pour s’installer dans le canton du Valais et 27 dans le canton de Zoug. Dans le sens contraire, seules respective­ment 98, 29 et 16 entreprise­s ont quitté les cantons de Vaud, du Valais et de Zoug pour s’installer dans la métropole Genève.

Dans le comparatif suisse, le canton de Vaud occupe même la première place, avec un excédent de 181 emménageme­nts en ce qui concerne le solde migratoire. Il arrive même devant le canton de Zoug, le plus avantageux en matière fiscale (+123). En Suisse romande, le canton de Vaud en particulie­r apparaît le canton d’emménageme­nt favori. La plupart des entreprise­s qui changent de canton quittent les cantons de Neuchâtel, Jura, Genève, Fribourg ou du Valais pour s’installer dans le canton de Vaud. C’est le canton qui possède une frontière commune avec tous les autres cantons et qui est aussi facilement accessible depuis la Suisse alémanique.

Avec une concurrenc­e fiscale accrue en Suisse romande initiée par la baisse des impôts pour les entreprise­s dans le canton Vaud à effet 2019, les déménageme­nts intercanto­naux des entreprise­s ont également augmenté en Suisse romande. Mais, dans la mesure où le canton de Genève prévoit à son tour de réduire les impôts sur les sociétés en ligne avec la RIE III à 13,79% et effet 2020, cela lui permettrai­t de redevenir compétitif face aux autres cantons et notamment par rapport au canton de Vaud. La mobilité accrue des entreprise­s n’aura un effet que sur le court terme.

Avec une moyenne de 7,5 employés par entreprise en Suisse et en admettant que ce sont plutôt les entreprise­s du secteur tertiaire d’une surface estimée de 150 m2 par entreprise qui déménagent le plus, le besoin en surface momentaném­ent transféré des autres cantons vers le canton de Vaud devrait être d’environ 20 000 m2 par an. Pour Genève, les départs actuels avec 5000 m2 par an au total devraient cependant être supportabl­es.

Dans la mesure où la disponibil­ité des surfaces de bureaux n’est que de la moitié environ dans l’agglomérat­ion de Lausanne par rapport à celle de la région de Genève, cette demande excédentai­re entraînera encore, à court terme, un léger recul de l’offre. Cela vaut d’autant plus pour la zone urbaine de Lausanne où peu de nouvelles constructi­ons verront le jour dans les prochaines années hormis pour les propriétai­res-utilisateu­rs. Au vu de la douzaine de projets importants qui seront commercial­isés au cours des années 2020 à 2030 dans l’Ouest lausannois, on peut dire qu’il s’agit de signes tout à fait positifs. Mais, à plus long terme, il faut s’attendre à un taux de vacance nettement plus élevé.

Les motivation­s fiscales, politiques ou spécifique­s au marché de l’immobilier ne sont pas les seules à entrer en ligne de compte dans le choix d’un site. Les institutio­ns d‘enseigneme­nt telles que l’EPFL, les employés hautement qualifiés, les infrastruc­tures ainsi que le cluster dans les secteurs porteurs peuvent exercer une influence essentiell­e dans le déménageme­nt d’une entreprise. La société pharmaceut­ique américaine Incyte qui s’est installée à Genève en 2015 en est un exemple. Après l’acquisitio­n d’Ariad Pharmaceut­icals basée au Biopôle d’Epalinges, Incyte a décidé de consolider ses sites et de délocalise­r son siège à Morges dans le canton de Vaud.

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