La bulle se dégonfle
Le spectre d’un krach devient de moins en moins probable. Même si tout risque ne peut jamais être exclu, les signaux d’une normalisation se renforcent. Attention au risque de hausse des taux.
Le spectre d’un krach immobilier devient de moins en moins probable. Même si tout risque ne peut jamais être exclu, les signaux d’une normalisation se renforcent «Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche!» Comme l’immobilier est toujours une matière très sérieuse, on peut risquer cette boutade initiale. Car – même les analystes le reconnaissent – la prévision économique est un art encore plus difficile que pour la météo.
Mais, pour une fois, force est de constater que les augures favorables lancés depuis des mois par les économistes de ma banque préférée se confirment: la bulle immobilière longtemps si redoutée se dégonfle. Après une bonne dizaine d’années de hausse continue, le marché tend à se stabiliser sans cassure brutale. Quelques indices à l’appui de cette thèse qui confirme les prévisions des analystes.
Depuis plus d’un lustre, l’UBS Swiss Real Estate Bubble Index évalue le risque d’une bulle immobilière au travers d’une batterie de sous-indicateurs*. Or, pour la première fois depuis son lancement, au 3e trimestre de cette année, l’indice a sensiblement chuté, à 0,87 point. Avec cette régression, il quitte ainsi la zone «risque» pour revenir dans le niveau «boom» qui était celui atteint il y a cinq ans passés. Quelles sont les raisons concrètes de cet atterrissage en douceur?
L’effet de l’embellie conjoncturelle
Tout d’abord, au cours du dernier trimestre, les prix des logements en propriété tout comme le volume des prêts hypothécaires n’ont augmenté que de manière modérée, proche de la stabilité. Et, surtout, ils sont à la traîne en comparaison de l’évolution de la conjoncture. En clair, l’essor économique atténue les risques systémiques de l’immobilier.
Si l’on regarde dans le détail, on constate que, malgré les intérêts négatifs et une croissance économique supérieure à la moyenne, les prix des logements en propriété en Suisse n’ont augmenté que de 0,8% par an depuis 2015. Cela signifie que la hausse des prix n’a pas suivi le rythme des revenus des ménages, qui eux ont augmenté chaque année de 1% sur la même période.
Certes, jusqu’en 2017, l’endettement hypothécaire a augmenté encore plus rapidement que les revenus des ménages. Mais, depuis, cette situation a changé. Seul le rapport «prix-revenus» a progressé de façon quasi continue depuis 2015. Ce qui est le signe d’un marché du logement en plein essor. Au-delà de ces constatations réjouissantes, il ne faut tout de même pas oublier que le risque de hausse des taux d’intérêt reste toujours aussi élevé. Cet élément suggère de conserver une légitime prudence avant tout investissement immobilier. Il est moins significatif si l’on veut acheter son logement principal. Surtout que le nouveau propriétaire peut fixer son hypothèque sur une longue période. De dix ans, voire plus.
Achat pour soi ou pour louer?
Cet aspect est en revanche certainement plus pertinent si l’on veut effectuer un placement de rendement. Car, dans ce cas, le montant absolu du prix des logements en propriété et l’écart de plus en plus grand entre les prix d’achat et les loyers, conjugué à une possible hausse des taux d’intérêt, laissent présager, à terme, des risques de corrections de valeur significatives.
A cela s’ajoute encore un volume toujours soutenu de construction de nouveaux logements qui pourrait pousser à la hausse les taux de vacance. Dans un tel contexte, même si depuis 2015 les signes d’une bulle immobilière se sont nettement estompés, l’investisseur avisé sera encore plus attentif qu’à l’ordinaire à la situation de l’objet.
Jusqu’en 2017, l’endettement hypothécaire a augmenté encore plus rapidement que les revenus des ménages. Mais, depuis, cette situation a changé
* Explications sur la méthode: l’UBS Swiss Real Estate Bubble Index se compose de six sous-indicateurs: le prix de la propriété par rapport au loyer annuel, le prix de la propriété du logement par rapport aux revenus des ménages, l’activité de la construction rapportée au produit intérieur brut (PIB), le rapport entre les prix des logements et les prix à la consommation, le volume hypothécaire par rapport au revenu disponible des ménages, les demandes de crédits en vue du financement d’objets non destinés à l’usage propre (clients UBS). L’indice est la moyenne pondérée, obtenue par une analyse en composantes principales, des indicateurs standardisés et corrigés des tendances. Il peut atteindre l’un des cinq niveaux suivants: baisse (en dessous de -1), équilibre (entre -1 et 0), boom (entre 0 et 1), risque (entre 1 et 2) et bulle (au-dessus de 2).