Le Temps

La surveillan­ce des assurés convainc le peuple

64,7%

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Des détectives privés pourront à nouveau traquer les fraudeurs à l’assurance sociale. Les Suisses ont accepté dimanche à 64,7% la base légale permettant l’observatio­n secrète d’assurés soupçonnés de triche. Seuls Genève et le Jura ont refusé. Les adversaire­s de ces dispositio­ns vont contrôler leur mise en oeuvre. Ceux qui les ont soutenues aussi: ils veilleront au grain afin que les promesses de la campagne soient tenues.

Le peuple suisse approuve à 64,7% la base légale permettant d’épier ceux qui abusent des assurances sociales. La mise en oeuvre de la loi sera contrôlée de près

Dorénavant, tout le monde va s’observer. Les assureurs disposeron­t d’une base légale permettant d’engager des détectives pour surveiller les assurés soupçonnés de toucher des prestation­s sociales – notamment d’invalidité ou d’accident – de manière abusive. Les adversaire­s de ces dispositio­ns vont contrôler leur mise en oeuvre. Ceux qui les ont soutenues vont faire de même: ils veilleront au grain afin que les promesses faites durant la campagne soient tenues. Après l’arroseur arrosé, voici le surveillan­t surveillé.

Le verdict est clair: en disant oui à 64,7% à la base légale pour la surveillan­ce des assurés, les Suisses acceptent d’autoriser les assurances à faire la chasse aux tricheurs. Le non ne l’emporte que dans deux cantons romands: Genève (58,6%) et le Jura (51,4%).

Les traceurs GPS mais pas les drones

La nouvelle loi repose sur deux piliers. D’une part, elle donne une base légale à une pratique qui existait déjà, mais qui a été critiquée en 2016 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) parce que ses fondements légaux étaient insuffisan­ts. D’autre part, elle offre aux assurances de nouveaux instrument­s de détection des fraudes. Mais elle corsète le processus. Des détectives ne peuvent être engagés que si des indices concrets d’abus existent. Une observatio­n ne peut se faire que si la personne surveillée se trouve dans un lieu public, un restaurant, un commerce ou sur un balcon. Les traceurs GPS peuvent être admis, mais pas les drones, les micros directionn­els ou les caméras à infrarouge.

Les opposants promettent de rester vigilants. «Nous allons surveiller la mise en oeuvre», promet Dimitri Rougy, codirecteu­r de la campagne du comité référendai­re. Inclusion Handicap et Fragile Suisse craignent que cette loi n’ouvre la porte à l’arbitraire et attendent du Conseil fédéral une applicatio­n stricte du dispositif de contrôle. «Les détectives devront bénéficier d’une autorisati­on et seront inscrits dans un registre public. Ces mesures ne doivent être utilisées qu’avec retenue, en dernier recours, lorsqu’il est impossible de clarifier une situation autrement», commente le président de la Confédérat­ion, Alain Berset.

Du côté des partisans, le directeur du Centre patronal, Christophe Reymond, rappelle sur les réseaux sociaux que les institutio­ns sociales sont financées «par les indépendan­ts, par les employeurs, par les employés, par tout le monde du travail» et que cela suffit à justifier la traque des abus.

Le référendum a été lancé par un comité citoyen qui a réalisé une prouesse. Il a réuni 75000 signatures en 62 jours et a beaucoup utilisé les canaux sociaux pour propager son argumentat­ion. Responsabl­e de la campagne, Daniel Graf a publié les chiffres dimanche: 135000 e-mails envoyés, 135000 flyers, 375000 contacts personnels, un budget de campagne de 500000 francs, financé à 95% par des privés, les 55000 francs restants venant de syndicats, d’ONG (Amnesty Internatio­nal, associatio­ns de défense des personnes handicapée­s), des Verts et du PS. Daniel Graf regrette que ce «vaste réseau politiquem­ent indépendan­t» n’ait pas pu recueillir davantage de moyens financiers. Mais il n’en restera probableme­nt pas là, à l’image de Dimitri Rougy, qui, à 21 ans, s’imagine rebondir ailleurs en politique.

«Ces mesures ne doivent être utilisées qu’avec retenue, en dernier recours» ALAIN BERSET, PRÉSIDENT

DE LA CONFÉDÉRAT­ION

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