Le Temps

Les Suisses ne font pas de fleurs aux vaches à cornes

54,7%

- BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

Les propriétai­res de vaches à cornes ne seront pas subvention­nés. L’initiative «Pour la dignité des animaux de rente agricoles» a été refusée dimanche par 54,7% des votants. Six cantons, dont Genève, BâleVille et Bâle-Campagne, ont toutefois dit oui. A l’origine du texte, l’agriculteu­r Armin Capaul a déclaré, depuis Moutier: «Je ne suis pas déçu. Ce n’est pas fini. Nous continuero­ns le combat.»

Ses partisans y ont cru jusqu’au bout, cloches de vache et drapeaux à tête de ruminant à la main. Mais leur enthousias­me n’a pas suffi. L’initiative «Pour la dignité des animaux de rente agricoles», qui entendait rémunérer les éleveurs qui renoncent à écorner leurs bêtes, a été rejetée par près de 55% des votants. Seuls Glaris, les deux Bâles, Schaffhous­e et le Tessin ont soutenu la propositio­n d’Armin Capaul, l’agriculteu­r grison à l’origine de l’initiative. Juste une bataille de perdue, soulignent les initiants, qui ont annoncé qu’ils continuera­ient le combat.

«On y croit!»

A Moutier, où les partisans de bovins cornus avaient élu résidence ce dimanche, tout avait pourtant bien commencé. A l’arrivée des journalist­es, un Armin Capaul souriant suspendait des cornes de vache à un portemante­au fleuri sur le parvis du restaurant de la gare, le quartier général du jour. «Pour montrer de quoi on parle», expliquait l’agriculteu­r au bonnet chamarré sous quelques regards interloqué­s. A ses côtés, un joueur de cor des Alpes en habits traditionn­els faisait retentir son instrument. L’ambiance était à la fête. Ce n’est pas tous les jours qu’on attend les résultats de son initiative personnell­e.

En attendant les premiers chiffres, les journalist­es règlent leurs caméras sous l’oeil d’une foule hétéroclit­e de soixante-huitards sexagénair­es à tresses indiennes. Voilà le plateau de fromage. L’ambiance très suisse alémanique – Armin Capaul ne parle pas français – est bon enfant. Puis les premiers résultats tombent: l’initiative serait refusée à 53%. «C’est encouragea­nt», veut toutefois croire l’éleveur, qui n’est pas connu pour renoncer facilement. La suite des événements semble lui donner raison: le rural canton de Glaris soutient l’initiative à 51% – explosion de joie: «On y croit!» s’anime un membre du comité.

Il apparaît toutefois rapidement qu’Armin Capaul ne triomphera pas. Les uns après les autres, les cantons se colorent de rouge et le sourire des partisans des cornes s’efface. Bientôt, la défaite ne laisse plus aucun doute. «On aurait dû subvention­ner les vaches à cornes par le social!» plaisante un ami du Grison alors que la surveillan­ce des assurés s’impose. La déception est palpable, mais la fierté aussi. «On a parlé du bien-être animal dans toute la Suisse et même à l’étranger, souligne Anet Spengler Neff, soutien de la première heure du paysan grison. Le résultat est positif, quelle que soit la décision du peuple.»

Il y a quelques semaines, Armin Capaul pronostiqu­ait une victoire «à plus de 80%». Loin de l’abattre, la défaite lui a inspiré quelques pas de danse sous l’oeil des caméras. «Je ne suis pas déçu, dit-il. Regardez cette ambiance! Et puis ce n’est pas fini. Nous continuero­ns le combat.» Par une autre initiative? «Oh non! Une, ça suffit. Je ne sais pas encore comment. Nous allons nous consulter.» Extrêmemen­t populaire dans les villes – Zurich, Lausanne, Bâle, Genève, les centres urbains ont tous soutenu le Grison – Armin Capaul n’aura pas réussi à convaincre les siens: toutes les campagnes ont voté non en bloc.

«Armin Capaul a montré qu’on pouvait lancer et faire aboutir une initiative populaire quasiment seul. Chapeau!» JOHANN SCHNEIDER-AMMANN, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Malgré la défaite, le Grison entre dans l’histoire suisse. Son action a été saluée jusqu’à Berne: «Le mérite d’Armin Capaul est d’avoir permis au peuple suisse de s’exprimer sur ce sujet, a reconnu le ministre de l’Economie, Johann Schneider-Ammann. Il a montré qu’on pouvait lancer et faire aboutir une initiative populaire quasiment seul. Chapeau!»

Désormais célèbre, l’éleveur s’est temporaire­ment fait voler la vedette par un visiteur atypique ce vendredi à Moutier: Kentaro Sugino, journalist­e au Yomiuri Shimbun, le plus grand journal du Japon. «Nos vaches sont aussi écornées, souligne celui-ci. Cela intéresse beaucoup les Japonais.» Armin Capaul voulait retomber dans l’anonymat, cela s’annonce difficile.

 ?? (FABRICE COFFRINI/AFP) ?? «Je ne suis pas déçu, dit Armin Capaul. Et nous continuero­ns le combat. Je ne sais pas encore comment.»
(FABRICE COFFRINI/AFP) «Je ne suis pas déçu, dit Armin Capaul. Et nous continuero­ns le combat. Je ne sais pas encore comment.»

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