La mairie de Moutier reste autonomiste
Malgré les polémiques, le maire pro-jurassien Marcel Winistoerfer est réélu haut la main avec 60,9% des voix. Ce plébiscite redonne espoir au camp autonomiste, sonné depuis l’annulation du vote historique du 18 juin 2017
Dans un contexte extrêmement tendu, les élections communales de Moutier – qui ont bien failli ne pas avoir lieu – ont tourné à l’avantage du camp séparatiste, par la réélection du maire démocrate-chrétien Marcel Winistoerfer avec 60,9% des voix, au détriment de son concurrent UDC, l’antiséparatiste Patrick Tobler. «C’est un signal fort adressé au canton de Berne», selon le maire.
C’est une véritable clameur qui a retenti au centre-ville de Moutier sur le coup de 13h15 à l’annonce des résultats de l’élection à la mairie. Marcel Winistoerfer, PDC et pro-jurassien, est réélu avec 1904 voix (60,9%), laissant son adversaire, l’UDC Patrick Tobler, pro-bernois, à près de 700 voix (1224, 39,1%). Une victoire particulièrement nette qui a surpris par son ampleur. Réunis devant le Café de l’Ours, à un jet de pierre de l’Hôtel de Ville, les partisans du maire sortant ont explosé de joie au son de «Marcel! Marcel!» et de «Moutier bernois, plus jamais!».
Un vote réaction
Brandissant des drapeaux rouge et blanc, entonnant l’hymne jurassien La Rauracienne, certains ne pouvaient retenir quelques larmes. A l’image de Pascal Eschmann, membre de l’exécutif de Moutier: «C’est très fort, reconnaît celui qui est également président du PDC du canton du Jura. Par rapport à tout ce que nous avons vécu ces dernières semaines, à la manière dont nous avons été traités. Ce vote est une réaction.» Et les anciens de comparer l’effervescence du jour à celle de 1986 lors de l’élection du premier maire autonomiste de Moutier, Jean-Rémy Chalverat, figure du combat anti-bernois.
Si l’émotion est aussi grande, c’est que le scrutin s’est déroulé dans un climat délétère. La tension est montée d’un cran il y a trois semaines, le 5 novembre dernier, lorsque la préfecture annulait la votation historique du 18 juin 2017 validant le rattachement de la ville au canton du Jura. Tombée en pleine campagne, la décision a transformé l’élection pour la mairie, qui voyait s’opposer un autonomiste et un antiséparatiste, en un plébiscite bis, attirant les regards de tout le pays. L’enjeu Jura-Berne a fini par éclipser tous les autres thèmes politiques du moment et a fortement mobilisé les électeurs de la commune, le taux de participation montant à 76%. Du jamais-vu de mémoire de Prévôtois pour une élection communale.
Derrière «Winnie l’ourson»
«Nos adversaires ont voulu un nouveau plébiscite, ils l’ont eu, se félicite Valentin Zuber, porte-parole du comité Moutier, ville jurassienne. Le message est clair. Près de 700 voix d’avance signifient que ceux qui ont voté oui le 18 juin 2017 au transfert de Moutier ne sont ni des tricheurs, ni des touristes électoraux.» Visiblement, les attaques à répétition ad personam contre Marcel Winistoerfer ont soudé une majorité de Prévôtois derrière ce politicien bonhomme et joyeux, affectueusement surnommé «Winnie l’ourson», mais qui s’est parfois laissé emporter par sa fougue autonomiste. Depuis trois semaines, le premier maire PDC de la ville était dans la tourmente. L’annulation du vote du 18 juin 2017 lui est en partie imputée par la préfecture qui lui reproche d’avoir mené une véritable «propagande» en faveur du oui et d’avoir outrepassé son devoir de réserve.
Soulagé et touché par ce soutien, Marcel Winistoerfer préfère voir plus loin que sa simple personne. «C’est un signal fort adressé au canton de Berne, à la Confédération, mais aussi aux instances judiciaires, le signal que les habitants de Moutier ont choisi de devenir Jurassiens. Il faut aller de l’avant.» De son côté, Patrick Tobler tente de faire bonne figure, malgré la déception visible. Président de l’UDC du Jura bernois, deuxième parti de la ville, et membre d’une des familles emblématiques du combat pro-bernois, il était un challenger des plus sérieux. Mais il n’a pas réussi à mobiliser son camp. «En me présentant, je voulais que les citoyens de Moutier puissent avoir un choix. J’aurais espéré un score plus serré… Mais voilà. Il y a une nouvelle législature, de nouveaux combats politiques à mener pour le bien de la population.»
Recours en cascade
Mais comme rien n’est décidément simple à Moutier, la validation du résultat de l’élection à la mairie est suspendue à deux recours déposés à la préfecture durant la campagne, le premier attaquant une nouvelle fois «la propagande partisane ne respectant pas les principes constitutionnels» du maire Marcel Winistoerfer, le second dénonçant une domiciliation prétendument fictive de l’un des candidats à l’exécutif.
Sans oublier les recours, écrits cette fois par les pro-jurassiens, contre la décision de la préfète du Jura bernois d’annuler la votation du 18 juin 2017. Ceux-ci vont être traités l’année prochaine par le Tribunal cantonal du canton de Berne, une procédure qui comporte de nombreuses inconnues. L’élection haut la main de Marcel Winistoerfer redonne espoir aux autonomistes. «C’est irréversible, nous serons Jurassiens, conclut Pascal Eschmann. Cette victoire démontre que Moutier ne vivra pas éternellement sous le joug bernois!»
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«Nos adversaires ont voulu un nouveau plébiscite, ils l’ont eu»
VALENTIN ZUBER, PORTE-PAROLE DU COMITÉ MOUTIER, VILLE JURASSIENNE
La validation du résultat de l’élection à la mairie est suspendue à deux recours