Le langage neuf qui change la politique suisse
Les mouvements citoyens sortent grands vainqueurs de ce dernier dimanche de votations. Leur irruption est nette en Valais. Après avoir été à l’origine de la réforme de la Constitution, le mouvement Appel citoyen perce dans tous les districts et occupe d’emblée 16 places sur 130 dans l’assemblée qui rénovera la charte cantonale, au détriment des partis traditionnels.
Sur le plan fédéral, c’est clair aussi. Le rôle joué par les groupements issus de la société civile a été massif, déterminant peut-être pour stopper aussi sèchement l’initiative pour l’autodétermination de l’UDC. Et s’ils avaient réussi, avec leur langage neuf, leur conviction et leur détermination fraîches, là où les appareils partisans ont plusieurs fois échoué, bien que tous unis contre la seule UDC?
Foraus, Opération Libero, Facteur de protection D, Courage civil, Appel citoyen… l’émergence de ces énergies apporte un souffle bienvenu face à une classe politique tout à la fois polarisée et fatiguée, impuissante à mener les grandes réformes dont le pays aurait besoin et tardant à garantir l’indispensable transparence de son financement. On le voit aussi, les femmes et les jeunes prennent toute leur place dans ces mouvements, alors que la représentativité des élus est souvent perçue comme insuffisante.
Les succès remportés dimanche par ces nouveaux acteurs offrent un contraste frappant avec les «gilets jaunes» du pays voisin, qui étalent bruyamment colère et frustration, sans que celles-ci ne soient canalisées vers un résultat tangible, un but utile ou même une simple lisibilité politique. C’est l’un des privilèges du système suisse que les impulsions de la société civile puissent trouver un débouché immédiat vers des solutions constructives.
En même temps que l’initiative sur les «juges étrangers», le vote de dimanche a écarté une thèse que le parti souverainiste et ses représentants ne se lassent pas de soutenir, contre l’esprit même du génie helvétique. Non, tout le pouvoir n’appartient pas au peuple. Dans notre démocratie semi-directe, la vox populi doit composer avec l’élément tout aussi important de la représentation et de ses élus au parlement et au Conseil fédéral.
C’est dire que les partis politiques conservent un rôle central pour construire des visions globales de notre société, la représenter équitablement, former l’opinion. Face aux mouvements citoyens, aux nouveaux venus de la démocratie numérique et aux risques d’une politique à la carte et au coup par coup qui en découlent, il est indispensable qu’ils retrouvent leur attractivité. Un passionnant défi.
Un souffle bienvenu face à une classe politique polarisée et fatiguée