Des peaux de phoque version 4.0
Pour voir ses idées se matérialiser en innovation de rupture, Pomoca trouve les compétences en dehors de ses murs. La PME vaudoise, leader mondial de la peau de phoque, collabore avec l’EPFL, des start-up et des universités
Basée à Denges (VD), l’entreprise Pomoca est le leader mondial de la peau de phoque. Elle collabore avec l’EPFL, des start-up et des universités pour concevoir des équipements de nouvelle génération. Le Temps suit la piste de l’innovation dans le cadre de sa série spéciale sur les PME et la révolution numérique, en partenariat avec le forum Forward. A découvrir chaque mardi.
t«L’innovation est devenue multisectorielle. Une PME ne possède pas à l’interne toutes les compétences pour inventer seule un nouveau produit», affirme Josep Castellet, directeur de Pomoca, une société à Denges (VD) qui fabrique et exporte ses peaux de phoque dans tous les pays montagneux.
Cette société de 20 personnes, qui a enregistré un chiffre d’affaires 2018 en progression de 40% à 7 millions de francs, a décidé de se tourner, entre autres, vers l’EPFL pour concevoir une innovation de rupture. «Les peaux autocollantes n’ont pas beaucoup évolué depuis les années 1970, note Josep Castellet. Il leur arrive encore, dans certaines conditions météorologiques, de se décoller. C’est lié au froid, couplé à un certain taux d’humidité.»
Se démarquer de la concurrence
Après un premier contact peu fructueux avec l’EPFL, Josep Castellet insiste. «C’est crucial de trouver un professeur qui se passionne pour le projet», analyse-t-il. Véronique Michaud, professeure responsable du Laboratoire de mise en oeuvre de composites à haute performance, tente de relever le défi. «Travailler avec une PME nous permet d’apprendre, de rendre service et d’agrandir notre champ de recherche. Souvent, lorsqu’un contact se crée, il perdure sur plusieurs années», dit-elle.
Pomoca travaille également avec le Laboratoire de magnétisme quantique de l’EPFL. Ils sont parvenus à développer, ensemble, une solution pour permettre une adhésion des peaux aux skis sans l’utilisation de colle. Des microparticules ont été intégrées dans la structure du ski et dans celle de la peau. «Le prototype sera terminé au printemps 2019. Le poids final du ski devrait à peine excéder celle d’un ski normal», prévoit Josep Castellet.
Le projet de 700 000 francs, lancé au printemps 2017, a été approuvé par Innosuisse (l’ex-agence pour la promotion de l’innovation de la Confédération), qui l’a financé à hauteur de 70%. «Nous avons bénéficié de conditions favorables, à savoir d’une aide supplémentaire liée à l’envolée du franc suisse», précise le directeur de Pomoca. Normalement, Innosuisse s’engage à financer un projet à hauteur maximale de 50%.
A partir du printemps prochain, Pomoca devra industrialiser le produit. «Les PME doivent être conscientes que le chemin est long, entre le prototype et la mise sur le marché. Et cette industrialisation engendre des frais importants. Il faudra notamment s’équiper de nouvelles machines et réaliser durant deux ans des tests industriels sans aide étatique, cette fois», poursuit Josep Castellet, qui espère commercialiser ces nouvelles peaux de phoque d’ici à 2023.
Détenant une licence sur la technologie, la PME espère avoir une longueur d’avance par rapport à ses principaux concurrents, notamment la société Colltex dans le canton de Glaris.
Friand de données
Fondée en 1933 par Louis Dufour, propriétaire du Grand Hôtel des Avants au-dessus de Montreux, Pomoca a été reprise en 2011 par le groupe familial italien Oberalp. Celui-ci a décidé d’accélérer la recherche et le développement de la PME vaudoise tout en maintenant son siège et son savoir-faire à Denges.
Ainsi, Pomoca travaille aussi avec l’Université d’Innsbruck pour l’amélioration de la glisse sur n’importe quelle neige. Elle collabore également avec Gait Up, une start-up issue de l’EPFL spécialisée dans l’analyse des mouvements. Celle-ci a développé un capteur – le Pomocup – placé avec un aimant sur le ski. Muni d’un accéléromètre, d’un gyroscope, d’un thermomètre et d’un baromètre, il mesure plusieurs données qui sont transmises en temps réel au smartphone.
L’utilisateur obtient des informations générales sur son temps, sa distance, la vitesse ou le dénivelé des pentes. En plus, il reçoit des données techniques comme la cadence, le nombre de pas, la longueur du pas mais aussi le nombre de conversions effectuées, de dépeautages (décollement des peaux) ou le nombre de pauses. «Ce produit a permis d’augmenter légèrement nos ventes et nous a offert une certaine visibilité médiatique. Il nous permet aussi de récolter des données», ajoute Josep Castellet.
Car le ski de randonnée n’échappe pas à la tendance des données: combien de montées sont effectuées? Où vont les randonneurs? Quelles sont leurs performances? Traitées à un niveau agrégé, ces informations permettront, à terme, d’effectuer des stratégies marketing ciblées et contribueront à développer des peaux de phoque qui répondent aux besoins réels des utilisateurs.
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