Le Temps

Comme un cheveu sur la soupe

- REBECCA RUIZ @reb_ruiz

Elle avait bien commencé, cette élection au Conseil fédéral. Pour repourvoir deux sièges, trois femmes en lice sur quatre candidats, et de bonnes probabilit­és que le résultat final soit entièremen­t féminin. Et même la façon d’en parler semblait avoir un peu changé: la compétence, l’expérience, l’influence étaient, pour une fois, du côté des candidates, et c’est pour une fois l’homme PLR, positionné clairement en second sur le ticket de son parti, qui devait se débattre avec les qualificat­ifs de discrétion et de manque de poigne si souvent rattachés à l’autre sexe.

Au chapitre des bonnes nouvelles également: pas de questions personnell­es déplacées pour les femmes. Bon, il se trouve qu’elles ont pour point commun de ne pas avoir d’enfant. Ça aide. Il ne fallait toutefois pas se réjouir trop vite puisque le Tages-Anzeiger a tout de même réussi à trouver une nouvelle mauvaise idée: dresser le portrait du compagnon de l’une des candidates. Cet ancien député UDC devient tout à coup un «possible époux de conseillèr­e fédérale». Et de s’interroger: contribue-t-il aux chances d’élection de sa partenaire, ou lui nuit-il?

Il faut donc, apparemmen­t, toujours chercher l’homme, idéalement d’influence, derrière la femme politique… Subitement, le journal de référence zurichois se retrouve au même niveau que les spécialist­es en branding de Migros, ceux qui imaginent, pour vendre deux potages déshydraté­s, d’en emballer un en bleu, pour les champions (avec de la viande), et un en rose, pour les reines du glamour (avec des légumes). Lorsqu’une femme élevée aux carottes et petits pois vise un poste de leader au Conseil fédéral, il doit y avoir quelque part un coach bien protéiné. Le distribute­ur alimentair­e s’est piteusemen­t justifié en expliquant que sa clientèle vieillissa­it, et qu’il fallait dès lors attirer les enfants vers les sachets en leur offrant ce qui leur plaît, à savoir bien sûr des clichés sexistes. Le zèle n’est pas allé jusqu’à féminiser pour les fillettes la marque elle-même, qui reste… «Bon Chef». Pour une fois, en élisant de bonnes cheffes (de départemen­t) au Conseil fédéral, le parlement pourra faire figure d’exemple là où, de toute évidence, certains se vautrent dans les stéréotype­s. Tout autre résultat le 5 décembre prochain tomberait comme un cheveu de plus sur la soupe.

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