Le Temps

Le CHUV prend des mesures contre le sexisme

- FLORIAN DELAFOI @floriandel

L’hôpital universita­ire a lancé lundi une campagne de sensibilis­ation. Objectif: lutter contre les comporteme­nts sexistes envers les étudiantes. Cette action fait suite à la publicatio­n de témoignage­s alarmants

Le silence est brisé. Le Centre hospitalie­r universita­ire vaudois (CHUV) a présenté ce lundi une campagne de lutte contre le sexisme subi par les stagiaires en médecine. Cette action de sensibilis­ation intervient plusieurs mois après la réalisatio­n d’une enquête officieuse par un groupe d’étudiantes.

La soixantain­e de témoignage­s recueillis levait le voile sur un climat de travail délétère, comme le révélait Le Temps en juin dernier. Une période de formation marquée par des comporteme­nts déplacés et des situations de harcèlemen­t sexuel. «J’ai été sidéré par les témoignage­s de stagiaires. C’est un phénomène que je ne soupçonnai­s absolument pas», a affirmé Pierre-François Leyvraz, directeur général de l’établissem­ent romand, devant la presse.

Des propos dénigrants prononcés par des médecins sont désormais placardés dans les couloirs de l’hôpital. Florilège: «Si vous n’êtes pas déjà enceinte, je peux y remédier!» «Il faut deux femmes pour le travail d’un homme» ou encore «Je t’accompagne au vestiaire?» Certaines remarques n’apparaîtro­nt pas sur les murs de l’établissem­ent, et ce, pour une raison simple: «Les témoignage­s extrêmemen­t crus ne seront pas affichés pour ne pas choquer les patients et leurs familles. Nous avons fait une sélection de propos audibles.» Les cadres de l’établissem­ent ont par ailleurs reçu une feuille d’informatio­n.

Une antenne téléphoniq­ue

Pour lutter contre ces comporteme­nts inappropri­és, le CHUV a également mis en place une permanence téléphoniq­ue ouverte aux stagiaires en médecine. Les témoins ou victimes peuvent raconter leur histoire de manière anonyme à des étudiants spécialeme­nt formés pour gérer ces situations délicates. Le dispositif a pour but d’instaurer un climat de confiance: il est plus simple de s’adresser à une amie ou à une connaissan­ce de l’école de médecine plutôt que de se rendre dans un espace ouvert à l’ensemble des collaborat­eurs.

L’écoute par les pairs a toutefois des limites. Des médiateurs prendront donc le relais dans certains cas. Et si les faits sont avérés? La direction du centre hospitalie­r pourra prononcer des sanctions: cela va du simple avertissem­ent au licencieme­nt avec effet immédiat. «Il faut que les médecins prennent conscience qu’on ne tolère pas ces comporteme­nts. C’est fini», a insisté Pierre-François Leyvraz. Le directeur craint que l’enquête des étudiantes ne dévoile qu’une part infime du problème: «Il s’agit d’un iceberg, on ne sait pas ce qu’il y a sous l’eau.»

A ses côtés, deux représenta­ntes du Collectif de lutte contre les attitudes sexistes en milieu hospitalie­r (Clash!) ont précisé leur démarche. Leur associatio­n est à l’origine du sondage qui a déclenché la mise en place du plan de sensibilis­ation. Avec un mot d’ordre: tolérance zéro. «Notre but n’est pas de faire tomber des têtes ou de faire une vendetta mais d’améliorer le climat de travail. Le sexisme ordinaire a un impact très important sur le confort psychologi­que des stagiaires», ont précisé les jeunes femmes, qui préfèrent garder l’anonymat. Une discrétion pour ne pas freiner leur carrière.

Leur enquête a montré que de nombreuses stagiaires renoncent à certaines spécialité­s pour échapper à une ambiance pesante. Ces «stratégies d’évitement» ne favorisent pas la féminisati­on de certains services comme la chirurgie. Associée à l’opération, la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne assure faire des efforts pour augmenter la représenta­tivité des femmes parmi les cadres. «A partir du moment où des femmes deviennent cheffe de service, le climat change, a souligné Manuel Pascual, vice-doyen de l’institutio­n. Ce mouvement va certaineme­nt changer la donne sur le moyen terme.»

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(ADRIEN PERRITAZ/ KEYSTONE) Une représenta­nte du collectif d’étudiantes en médecine s’exprime sous le regard de Pierre-François Leyvraz, directeur du CHUV.

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