Les technologies de l’usine 4.0 sont-elles transposables aux PME?
Bonne nouvelle: les entreprises suisses investissent toujours plus dans l’usine 4.0. Une étude menée en 2017 par EY, auprès de 660 entreprises de Suisse et d’Allemagne, révèle en effet que près d’une entreprise helvétique sur deux (45%) a déjà investi dans ce domaine. En moyenne, elles consacrent 5% de leur chiffre d’affaires à l’industrie 4.0, des investissements surtout dirigés vers le recrutement de collaborateurs qualifiés et l’adoption de nouvelles solutions logicielles.
Convaincues que l’industrie 4.0 leur permet d’optimiser les processus de production, de gagner en vitesse ou d’améliorer leur support client, plus des trois quarts des entreprises suisses projetaient même d’augmenter leurs investissements dans ce domaine en 2018.
Présentées comme la quatrième révolution industrielle, la smart factory, l’usine 4.0 ou encore «l’usine du futur» désignent une nouvelle génération d’usines connectées, robotisées, intelligentes. Les frontières entre sphères physique et numérique se confondant, l’usine 4.0 est celle où collaborateurs, machines – même distantes de milliers de kilomètres – et produits interagissent de manière instantanée et continue, au coeur d’un système global interconnecté. Pour les entreprises – toutes les entreprises! –, c’est une véritable révolution copernicienne qui est à l’oeuvre: il s’agit d’une manière radicalement nouvelle d’organiser leur production, en donnant une importance première au réseau.
Cette quatrième révolution industrielle est en fait la somme de nombreuses (r)évolutions concomitantes: la réalité augmentée, qui permet d’ajouter des informations à notre champ visuel; l’impression 3D, qui allège le poids des pièces et la production de déchets; la robotique, avec ces «cobots», contraction de collaboratif et de robot, qui assistent le bras humain sans le remplacer; les capteurs, le big data, l’internet des objets, le cloud computing [informatique en nuage, ndlr], qui donnent véritablement vie et sens à cette usine connectée et intelligente.
Parce que le sens de cette smart factory, c’est le défi de la personnalisation à l’extrême des services et produits. Un engagement qui suppose une logistique rodée au millimètre, une amélioration des process et des qualifications, dans des plateformes de plus en plus complexes. De la supply chain [chaîne logistique, ndlr] à la production, la communication continue et instantanée entre outils et postes de travail est la clé de cette flexibilité, nécessaire pour satisfaire les demandes de chaque client.
On l’entrevoit: les enjeux de l’usine 4.0 sont considérables. L’erreur serait de les réduire à leur aspect technologique, de croire que cette révolution n’est qu’affaire de programmes informatiques. Les aspects économiques et culturels sont au moins aussi importants. Les structures de l’entreprise doivent s’adapter, l’usine du futur amenant à repenser les profils, les compétences et les postures de ses collaborateurs. Davantage responsabilisés, se voyant confier des tâches à plus forte valeur ajoutée, ceux-ci doivent être accompagnés, par étapes et dans une vision de long terme, lors de cette transition. C’est là le rôle des managers, qui ira vers plus de transversalité.
Reste une question: les PME sont-elles à même de se saisir des potentialités de l’usine 4.0? Les forts besoins d’investissement représentent souvent un premier frein. Autre sujet d’inquiétude, pour près de la moitié des firmes interrogées dans l’étude d’EY, les craintes en matière de cybersécurité et le manque de standardisation. Enfin et surtout, les entreprises suisses font, comme leurs concurrentes européennes, face à une pénurie de personnel IT qualifié. Est-ce à dire que les technologies de l’usine 4.0 ne sont pas transposables aux PME?
Au contraire. De la même manière qu’elles peuvent faire de la recherche et développement (R&D), les PME doivent entamer leur mue 4.0. Les outils – capteurs, CFAO, PLM, big data, etc. – existent déjà; servons-nous en! La PME suisse AISA Automation Industrielle SA (200 collaborateurs) prouve que c’est possible, elle dont les machines fabriquent 50% des tubes de dentifrice au monde, tout en anticipant et effectuant les mises à jour chez ses clients, à distance, 24h/24 et 7 jours sur 7. En témoigne également notre choix, chez Electromag, de recourir à des robots au lieu de délocaliser. Bilan pour notre PME: une montée en gamme, de nouveaux marchés, et le recrutement de plusieurs nouveaux collaborateurs à forte valeur ajoutée. Ou quand la réindustrialisation de l’Europe, et de la Suisse, n’est pas un vain mot.
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Les enjeux de l’usine 4.0 sont considérables. L’erreur serait de les réduire à leur aspect technologique