Le G20 en danger?
Le G20 est né en pleine crise des subprimes en 2008. Alors qu’il n’était qu’un club informel de ministres des Finances, cette fois-ci, les chefs d’Etat, non seulement du G8, le club des pays riches, mais aussi ceux des grandes économies émergentes, étaient conviés d’urgence les 7 et 8 décembre à Washington. Ils n’étaient pas tous directement concernés, mais ils s’étaient engagés à tirer à la même corde. Représentant plus de deux tiers de la population et 90% de la richesse mondiales, la légitimité du groupe était incontestable.
Après deux jours de délibérations, les enjeux étaient clairs et des décisions étaient prises: réguler le système financier international, ne pas recourir à la dévaluation compétitive de sorte que les uns ne profitent pas de la faiblesse des autres et promouvoir le libreéchange.
Nous sommes à la fin de 2018. Les dirigeants du G20 se sont donné rendez-vous à la fin de cette semaine à Buenos Aires pour le dixième sommet. Même s’il s’agit d’une organisation informelle et sans une mission bien définie, son bilan est élogieux. L’unité montrée à Washington en 2008 avait ramené la confiance et donné une impulsion à la croissance. Des historiens font même remarquer qu’une grande dépression comme celle des années 1930 a été évitée grâce au G20. Secret bancaire suisse
Par-dessus tout, le système financier international a changé de visage. De nouvelles structures, comme le Forum sur la stabilité financière sous la supervision de la Banque des règlements internationaux, fonctionnent. Et surtout, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales tant au niveau des individus que des entreprises se renforce graduellement. Pour la place financière suisse, le G20 a sonné le glas du secret bancaire.
Le plus grand acquis du G20 est toutefois le fait que, malgré des intérêts divers et des tensions entre eux, les dirigeants se réunissent une fois par an pour délibérer sur les affaires du monde.
Puissances traditionnelles
Il serait tentant de sabler le champagne pour marquer les 10 ans du G20. Mais non. Celui-ci n’est pas devenu un club homogène et la gouvernance mondiale reste toujours concentrée dans les mains des puissances traditionnelles. Par exemple, les Etats-Unis ont toujours un droit de veto au Fonds monétaire international (FMI). Les 28 pays européens y sont toujours surreprésentés et se partagent six sièges à son comité directeur alors que l’Amérique du Sud en compte trois et l’Afrique trois également. Par ailleurs, selon un arrangement entre les puissants, c’est toujours un Européen qui dirige le FMI et un Américain qui est à la tête de l’organisation soeur, la Banque mondiale.
Dans un autre registre, il était entendu que les membres du G20 coordonnent leur politique monétaire afin qu’une décision prise dans un pays n’ait pas de conséquence négative dans un autre. En réalité, la Réserve fédérale américaine ou la Banque centrale européenne font fi de cet arrangement. Le programme d’assouplissement monétaire aux Etats-Unis et en Europe a donné lieu à un flux des capitaux spéculatifs dans les pays émergents. La hausse de la monnaie, dollar ou euro, pénalise les pays émergents. Donald Trump entre en jeu
Le G7 ne s’est pas fondu dans le G20. Les sept grands maintiennent leur sommet annuel et imposent leur vision et modèle à l’ensemble de la planète, notamment en matière commerciale. Européens, Américains et Japonais font cause commune, notamment au sein de l’Organisation mondiale du commerce.
Donald Trump entre en jeu. Le président américain, qui a pris ses fonctions en janvier 2017, n’est pas particulièrement partisan de rassemblements internationaux. A son premier G7 en Sicile en mai, il a brisé le consensus sur le climat. A la réunion du G20 deux mois plus tard à Hambourg, il a presque insulté la chancelière allemande. Puis au dernier G7 en juillet dernier au Québec, il a refusé d’«endorser» le communiqué final, non sans avoir eu un accrochage avec son hôte le premier ministre canadien, Justin Trudeau. Et à Buenos Aires?
Visiblement, c’est la cohérence même du G20 qui est menacée. D’autant que le projet de communiqué final oublie son engagement historique contre le protectionnisme. Selon un rapport publié jeudi dernier par l’OMC, entre mi-mai et mi-octobre 2018, des mesures unilatérales ont frappé les échanges d’une valeur de 481 milliards de dollars. C’est six fois plus élevé que pour les six mois précédents et du jamais vu depuis que l’OMC a commencé à traquer le protectionnisme en 2012. Le G20 ne parlera pas non plus du climat.
Le G20 à Buenos Aires sera-t-il un sommet pour rien?
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