Le Temps

Un monde économique qui ne doit pas se cloîtrer

- DIDIER MAURIN PRÉSIDENT ET ADMINISTRA­TEUR DE KATLEYA GESTION

Avec la destructio­n des idéologies et de nos valeurs, les philosophe­s affirment, sans doute avec raison, que cette période est celle du «désenchant­ement du monde» car, après tout, en quoi croyons-nous encore?

A cet égard, Donald Trump incarne assez bien cette révélation puisqu’il est de ceux qui savent anéantir nos dernières illusions.

Du fait de l’hémorragie de migrants par vagues successive­s et de l’imprégnati­on sournoise de l’islamisme radical au sein de nos sociétés, l’extrême droite se réveille avec une volonté affichée d’autonomie séparatist­e, à l’instar du Brexit pour l’Angleterre. La mondialisa­tion effraye fréquemmen­t les peuples, qui ignorent que «la peur est l’ennemie de la sagesse» (Nietzsche), car elle offre pourtant des possibilit­és d’enrichisse­ment inouïes, si tant est qu’on veuille se donner l’opportunit­é de les saisir.

Le repli sur soi et l’isolement, tout comme les taxes sur les importatio­ns conduisent à l’appauvriss­ement des peuples. Entre les nations, c’est la loi du talion: «OEil pour oeil, dent pour dent». Tu m’imposes des taxes sur mes exportatio­ns, je limite tes importatio­ns sur mon territoire. Ainsi, les débouchés étrangers pour les services et produits nationaux se réduisent. La baisse des exportatio­ns pèse sur la profitabil­ité des entreprise­s, nuit à l’innovation et impacte les salaires. Au final, ce ne sont pas les dirigeants qui souffrent de cet isolationn­isme mais bien les entreprene­urs, les salariés et les rentiers.

Pour autant, malgré les recherches d’identité, de souveraine­té et de sécurité exprimées par les population­s, et dont leurs politicien­s feraient bien de tenir compte, le monde entier ne va pas se cloîtrer.

Les Etats-Unis constituen­t l’hyperpuiss­ance du moment, agressive, brutale et unilatéral­iste dans le sens où selon les Américains leurs règles devraient s’imposer au monde entier, et ce, sans discussion. Autrefois, ils s’opposaient aux Russes et aux communiste­s, et devaient faire valoir leurs notions de liberté et de concurrenc­e loyale libérale. Cet adversaire n’existant plus, ils estiment que la place de numéro 1 leur revient de droit. Alors, à quoi bon considérer les autres?

Plus tard, c’est la Chine qui prendra cette place de numéro 1 mondial et il est peu probable qu’elle se montre plus démocratiq­ue que les Etats-Unis. De plus, les Occidentau­x se méfieront toujours davantage des Chinois que des Américains, car le rêve américain, Hollywood et les grandes université­s confèrent aux Etats-Unis une aura que la Chine n’a jamais eue. Ces Occidentau­x sont aussi unis par une communauté de valeurs et une histoire partagée qui renforcent leurs liens et les éloignent des habitants de l’Extrême-Orient.

Dans ce chaos, l’Europe pourrait s’affirmer comme la première puissance mondiale, avec un monde libéral et démocratiq­ue, mais encore faudrait-il qu’elle se dote d’un gouverneme­nt fédéral unique, en lieu et place d’un congloméra­t d’Etats dispersés. Le système politique suisse, capable de respecter les décisions des cantons qui ont volontaire­ment décidé de s’associer, malgré les différence­s linguistiq­ues, pourrait être une source d’inspiratio­n pour son grand voisin. Il est probable que les peuples européens soient prêts à suivre cette idée, pour peu que cet unique gouverneme­nt européen précise clairement qu’il sera hors de question d’ouvrir largement les frontières aux migrants, tout en évitant le politiquem­ent correct si favorable aux extrémiste­s de tous bords.

Cependant, il ne faut pas reproduire certaines erreurs, en matière d’affaires étrangères notamment, comme celle qui consiste à traiter la Russie en ennemie perpétuell­e, car il est nécessaire de privilégie­r la realpoliti­k. En effet, la conséquenc­e de ce faux pas récurrent a favorisé le rapprochem­ent de la Chine par la Russie, ce qui constitue une funeste bévue pour l’Europe puisque ces deux puissances vont se renforcer mutuelleme­nt à son détriment. Or, Poutine s’avère un précieux allié contre l’islamisme radical. La Russie joue un rôle déterminan­t dans la lutte contre l’Etat islamique (Daech) en Syrie. En contribuan­t à son anéantisse­ment, elle éteint les foyers d’où proviennen­t les auteurs des pires actes terroriste­s qui ont fait trembler l’Europe au cours de cette décennie. Cette qualité est fort bien comprise de nombreux dirigeants musulmans qui combattent eux aussi ce fléau qu’ils comparent au nazisme.

Le repli sur soi et l’isolement, tout comme les taxes sur les importatio­ns conduisent à l’appauvriss­ement des peuples

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