Le Temps

Le gouverneme­nt italien promet «le bon sens» sur son budget

- RAM ETWAREEA @ram52

Face à la montée du taux d’emprunt et aux risques sur la croissance, le gouverneme­nt italien accepte de réduire ses prévisions de dépenses pour 2019. Les marchés ont salué la baisse des tensions avec Bruxelles

Que s’est-il passé samedi en fin de journée lorsque Jean-Claude Juncker a accueilli Guiseppe Conte, le premier ministre italien, à Bruxelles? Selon le quotidien italien La Repubblica, le président de la Commission européenne a mis son hôte en garde contre le risque que l’Italie entre dans un cercle vicieux et n’arrive plus à en sortir. Comme ce fut le cas de la Grèce.

En effet, après la décision de la Commission européenne de faire le premier pas pour ouvrir une procédure de déficit excessif mercredi dernier, le taux d’emprunt des obligation­s d’Etat à dix ans a grimpé au-dessus de 3,40%. En cas de nouvelles tensions entre Rome et Bruxelles, ce taux ne pourrait qu’augmenter, mettant l’Italie dans une mauvaise posture. Le pays a besoin de lever entre 250 à 260 milliards d’euros en 2019 pour honorer sa dette arrivant à maturité à hauteur de 200 millions d’euros et couvrir son déficit budgétaire. Crise de confiance chez les investisse­urs

«A ce prix, les banques italiennes, qui détiennent 28% de la dette publique, peineront à se refinancer et si leurs spreads venaient à s’écarter et cela rendrait l’accès au crédit difficile, commente Sabrina Khanniche, économiste senior chez Pictet Asset Management à Genève. A terme, c’est toute la croissance italienne qui en pâtirait.»

Un autre phénomène n’est pas passé inaperçu. «Alors que les ménages italiens sont habituelle­ment friands des titres d’Etat, ils ont largement boudé une émission la semaine passée, n’investissa­nt que 863 millions d’euros, fait remarquer Sabrina Khanniche. A la précédente émission, en mai, ils en avaient acheté pour 2,16 milliards d’euros. Il y a clairement une crise de confiance et un manque de visibilité.» Pour les mêmes raisons, les institutio­nnels ont participé pour 1,3 milliard d’euros, contre 3,65 milliards en mai.

Trêve verbale

La mise en garde de Jean-Claude Juncker n’est apparemmen­t pas restée sans effet. Lundi matin, dans une vaste opération de communicat­ion, les principaux dirigeants de la coalition gouverneme­ntale au pouvoir ont fait comprendre qu’ils étaient prêts à revoir le budget 2019 pour échapper à la procédure de déficit excessif. «Si, durant la négociatio­n avec Bruxelles, le déficit doit diminuer un peu, cela n’est pas important pour nous», a déclaré lundi matin Luigi Di Maio, vice-premier ministre et leader du Mouvement 5 étoiles (souveraini­ste et anti-système), l’un des deux partis au pouvoir, avec la Ligue (extrême droite). Pour sa part, le chef de la Ligue, Matteo Salvini, qui avait engagé une guerre des mots avec Bruxelles, a lui-même affirmé que «le gouverneme­nt appliquera­it le bon sens».

Le revirement a été accueilli avec soulagemen­t par les marchés, qui avaient évolué de façon très volatile ces dernières semaines. En tout cas, les places financière­s européenne­s ont retrouvé des couleurs lundi. Aux Etats-Unis, Wall Street a aussi commencé la séance dans le vert. L’euro s’est raffermi par rapport aux principale­s devises et le spread – l’écart du taux de rendement entre une obligation de la zone euro et le taux allemand – s’est réduit de 308 à 290 points.

Dans les faits et les chiffres, ce n’est toutefois pas encore la détente. La semaine passée, la Commission avait rejeté un déficit de 2,4%. «Ce n’est pas certain qu’elle n’accepte qu’une baisse symbolique, poursuit Sabrina Khanniche. Il sera en effet difficile pour le gouverneme­nt italien de satisfaire les exigences européenne­s tout en maintenant les promesses électorale­s, notamment un revenu de citoyennet­é et la baisse de l’âge de la retraite.» Selon elle, le gouverneme­nt italien doit revoir son budget en profondeur.

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(GEERT VANDEN WIJNGAERT/AP) La rencontre entre le chef du gouverneme­nt italien Giuseppe Conte et Jean-Claude Juncker samedi soir lors d’un dîner a relancé le dialogue sur le budget italien.

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