Vingt-quatre nouvelles perles au Théâtre de Vidy
Le directeur de la maison lausannoise, Vincent Baudriller, dévoile la seconde partie d’une saison formidablement riche. Mais comment s’aiguiller? Nos conseils
Au Théâtre de Vidy, Noël tombe toujours fin novembre. Le rite est immuable depuis l’époque de René Gonzalez: quand souffle l’hiver, le directeur lève le rideau sur la seconde partie de sa saison, celle qui court de janvier à juin. Lundi, Vincent Baudriller a déballé une hotte copieuse, riche en partis pris, en figures, en casse-cou des formes. En tout, quelque vingt-quatre propositions, fracassantes pour la plupart, dont onze suisses.
Le nom qui fait rêver? Thomas Ostermeier, le patron de la Schaubühne de Berlin. Il présentera à Lausanne son adaptation de Retour à Reims, récit du sociologue Didier Eribon, disciple et biographe de Michel Foucault. L’intellectuel retrouve le quartier de sa jeunesse ouvrière. Sur scène, un film et trois acteurs, dont Irène Jacob – du 5 au 7 avril, puis du 28 mai au 15 juin.
Mais comment choisir son cadeau quand vingt paquets vous font de l’oeil? Tout dépend de votre appétit. On peut privilégier certains morceaux selon sa capacité d’absorption et son degré d’amour théâtral. Tentative d’aiguillage.
Le spectateur occasionnel
Comme il ne va pas plus d’une fois par trimestre au théâtre, en couple ou en famille souvent, il a horreur de se tromper. On lui recommandera Retour à Reims (lire plus haut), pour l’intelligence du propos. Pour le vertige, on le poussera dans les bras de Yoann Bourgeois, ce maître du déséquilibre qui présentera en mai deux pièces, Minuit et Prologue. Et puis on l’incitera à découvrir Bacchantes – Prélude pour une purge, bacchanale pour malabars en liquettes et filles des vignes signée de la chorégraphe cap-verdienne Marlene Monteiro Freitas. Vincent Baudriller assure que c’est l’un des plus beaux spectacles qu’il ait vus ces derniers temps.
Le gourmand qui veille à sa ligne
Celui-ci se réserve une soirée théâtrale par mois. Les pièces ci-dessus lui sont évidemment destinées. Mais on peut ajouter le retour de Jean-Luc Bideau sous les projecteurs, en compagnie du trompettiste Erik Truffaz. Ce duo fera résonner des textes du superbe Vladimir Holan, poète tchèque. Cette Nuit avec Hamlet est mise en scène par Marcela Salivarova-Bideau. Pour qu’il respire le parfum d’un Paris perdu, on invitera ce gourmand raisonnable à pénétrer l’alcôve de La dame aux camélias. Arthur Nauzyciel, dont on avait admiré ici même Jan Karski, mixe le roman et la pièce d’Alexandre Dumas fils. L’insatiable
Celui-ci campe dans le foyer. Il détient l’abonnement général Vidy qui l’autorise à tout dévorer. Il ne redoute aucune arène, fûtelle épineuse ou sanglante. Il tremblera donc avec l’inquiétante Angélica Liddell, de retour avec Una costilla sobre la mesa: Madre – fin mars. Il défiera, sur des musiques de clavecin, un motard, dans le sillage de ce diable de François Chaignaud métamorphosé en vamp de parking – formidable Radio Vinci Park, début mars. Il savourera Pièce, millefeuille facétieux à la mode de la 2b Company, ce collectif romand qui se joue des formes. Il plongera dans Royaume, des histoires de fantômes et d’hôpital signées Lars von Trier et Niels Vorsel, adaptées par Oskar Gomez Mata.
Pour tous les appétits
On ne résiste pas à Cristina Vidal, l’une des dernières souffleuses d’Europe, au Teatro Nacional D. Maria II à Lisbonne. Elle rôde dans Sopro, ode aux planches et à leurs sortilèges signée Tiago Rodrigues – du 15 au 17 mai. Cette même semaine, deux autres pièces du même artiste sont programmées, By Heart et Antoine et Cléopâtre. Les acteurs de Tiago Rodrigues jouent à coeur ouvert, autant dire qu’ils sont époustouflants. En mai, on n’hésitera pas: on bivouaquera à Vidy.
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Les acteurs de «Bacchantes – Prélude pour une purge», spectacle frappadingue signé Marlene Monteiro Freitas.
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