Le Temps

Le volet fiscal monte en puissance

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Le président du Conseil d’Etat, Antonio Hodgers, attend «des explicatio­ns» de la part du ministre PLR sur d’éventuelle­s déductions liées aux contributi­ons payées par ses soutiens privés. La nomination d’un proche intrigue aussi un député de gauche

Tel Al Capone – toute proportion gardée – Pierre Maudet tombera-t-il au final pour une affaire fiscale? L’honnêteté face à l’impôt est un sujet particuliè­rement sensible qui parle à tout le monde. Et les révélation­s autour des mouvements de fonds de l’associatio­n de soutien au ministre, avec d’éventuelle­s déductions abusives à la clé, ont mis ce problème sur la table des discussion­s gouverneme­ntales. Antonio Hodgers, président de l’exécutif genevois, ne s’en cache pas: «Une telle fraude serait incompatib­le avec la fonction de conseiller d’Etat.» Et ce dernier d’ajouter: «Des questions se posent et le Conseil d’Etat attend des explicatio­ns.» «Pour moi, c’est inimaginab­le»

Pierre Maudet, qui puisait par des chemins tortueux dans les comptes de son comité de soutien pour payer sa contributi­on annuelle de 10 000 francs au parti, tout en recevant en retour l’attestatio­n destinée aux impôts, a-t-il déduit cette somme de sa déclaratio­n durant plusieurs années? Et si oui, pouvait-il le faire au nom d’une sorte de donation libre d’usage, elle-même déclarée ou pas? Interpellé­s la semaine passée sur ce point, les avocats du magistrat déclaraien­t au Temps que ce dernier s’était mis à dispositio­n de l’Administra­tion fiscale cantonale afin de «clarifier et, si nécessaire, régularise­r ce qui devrait l’être». Autant dire que la situation est tout sauf limpide.

Depuis l’évocation de ces éléments, le Conseil d’Etat n’a pas eu l’occasion de tenir séance. Mais son président se montre déjà très ferme sur le sujet: «On ne peut pas représente­r l’autorité, demander à la population de payer tous ses impôts et soustraire soi-même volontaire­ment des montants dus au fisc. Pour moi, c’est inimaginab­le», souligne Antonio Hodgers. Nomination controvers­ée

L’Administra­tion fiscale se penchera sur cette affaire. Mais le gouverneme­nt peut aussi tenter de prendre les devants et demander à Pierre Maudet de lui dévoiler certains éléments pour en avoir le coeur net. L’intérêt public de cet aspect est évident. D’ailleurs, la loi genevoise sur l’exercice des droits politiques, en son article 24, impose notamment à tout candidat à l’élection au Conseil d’Etat d’indiquer s’il est à jour avec le paiement de ses impôts. C’est dire si cette obligation est prise au sérieux.

Alors que le PLR s’agite au niveau national pour trouver une sortie de crise, «l’affaire Maudet» continue d’alimenter le débat au parlement cantonal. Ce nouveau volet n’aura pas tardé à susciter la curiosité du député d’Ensemble à gauche, Jean Batou. Dans une question urgente écrite, déposée ce 27 novembre, ce dernier explique avoir appris, dans les colonnes du Temps, que le trésorier de l’associatio­n des amis de Pierre Maudet, celui qui se chargeait de verser la contributi­on au nom du ministre et qui effectuait d’autres opérations par des chemins détournés, vient d’être nommé ce mois-ci au poste de directeur du contrôle interne du Départemen­t de la sécurité.

En substance, Jean Batou se demande si cela est bien raisonnabl­e alors que la fonction du contrôle interne est justement de prévenir les fraudes, les erreurs, et d’appeler les employés à lui dénoncer tout acte répréhensi­ble. Le député interpelle le Conseil d’Etat afin de savoir s’il est légitime de confier cette fonction sensible à l’un «des plus fidèles lieutenant­s de Pierre Maudet» alors même que l’essentiel des prérogativ­es liées à ce départemen­t ont été retirées au magistrat en raison de la procédure pénale en cours.

Il s’interroge aussi sur ce que le gouverneme­nt compte faire pour rétablir la confiance du personnel et du public dans l’indépendan­ce de ce service. Enfin, Jean Batou conclut ainsi sa série de questions: le Conseil d’Etat peut-il garantir que le nouveau directeur n’a pas servi d’intermédia­ire dans une transactio­n permettant de dissimuler certains montants au fisc?

S’il y a bien une réalité qui s’impose depuis le début de cette affaire, c’est que plus rien n’est acquis en matière de moeurs politiques.

t«On ne peut pas représente­r l’autorité, demander à la population de payer tous ses impôts et soustraire soi-même volontaire­ment des montants dus au fisc» ANTONIO HODGERS, PRÉSIDENT

DE L’EXÉCUTIF GENEVOIS

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