Trois femmes face à l’islam
Dans «Dévoilées», Jacob Berger met en scène une jeune Suissesse fanatisée, sa mère et sa grand-mère. A voir sur RTS Un ce soir
Anaïs, 31 ans, étudie la médecine à Genève et vit chez sa grand-mère Isabelle (Marthe Keller) à Neuchâtel. Un gouffre s’ouvre sous les pas de cette dernière lorsqu’elle croise sa petite-fille en jilbab dans la rue. Elle appelle Léa (Julie Gayet), la mère d’Anaïs, qui vit au Canada, à la rescousse. Les deux femmes doivent d’abord se persuader de cette réalité que leur coeur et leur raison refusent puis, avec l’aide d’un ancien policier, essayer de sauver une jeune femme complètement fanatisée et prête à entrer en guerre.
Dévoilées, de Jacob Berger (Aime ton père, Un juif pour l’exemple), sur un scénario de la comédienne Noémie Kocher, prolonge avec violence Le ciel attendra, de Marie-Castille Mention-Schaar, consacré à l’endoctrinement de trois adolescentes, et renvoie à Opération Libertad, de Nicolas Wadimoff, scénarisé par Jacob Berger, en rappelant que l’extrémisme s’ancre en Suisse aussi. Cause mortifère
Le film oppose habilement le désarroi de la famille et l’aliénation d’Anaïs, tranchante comme un rasoir avec ceux qui l’aiment et aveuglément soumise aux fantasmes d’imams incertains et de voyous doctrinaires, pauvre nouille, fière d’épouser un combattant qui n’est qu’un soudard minable. Léa titubant dans un couloir où flottent comme des fantômes les «Allah akhbar» qu’ânonne sa fille exprime bien l’émotion des parents dont l’enfant se damne pour une cause mortifère.
Dans ses déclarations d’intention, Jacob Berger rappelle que «nous avons tous nos zones d’ombre». Non seulement Anaïs, la fille brillante happée par la violence archaïque du djihadisme, mais aussi Isabelle. Noémie Kocher se souvient du crash survenu le 21 février 1970. Neuf minutes après le décollage, une bombe explosait à bord du vol Swissair 330 reliant Zurich à Tel-Aviv. L’appareil s’écrasait, faisant 47 victimes. L’attentat n’a jamais été revendiqué. Dévoilées imagine qu’Isabelle a eu un lien avec cette tragédie et établit des parallèles entre le militantisme laïque des années 70 et le terrorisme religieux contemporain.
L’idée est intéressante, mais les flash-back dévoilant l’histoire d’Isabelle, dont le combat anticipe la révolte d’Anaïs, sont moins convaincants, ils émoussent le fil d’un récit poignant. Reste la performance des trois comédiennes, avec mention pour Lola Créton, tendue comme un arc, le visage fermé à double tour. La larme qui lui vient finalement aux yeux lui vaudra le paradis plus sûrement que n’importe quelle bombe artisanale.
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Dévoilées, de Jacob Berger, avec Marthe Keller, Julie Gayet, Lola Créton, Bruno Todeschini. RTS Un me 28, 20h10.