UN CONTE DE MARK TWAIN TIRÉ DU SOMMEIL
L’auteur de «Tom Sawyer» avait imaginé le récit d’un prince disparu.
Il est aujourd’hui complété et élégamment illustré
Un soir de 1879, comme bien d’autres soirs et bien d’autres papas, Mark Twain improvise pour ses filles un conte: il y est question d’un jeune garçon, Johnny, vivant chichement avec son odieux grandpère et une poule répondant au doux nom de Pestilence et Famine.
L’histoire se limitait à quelques notes couchées sur un carnet, lequel dormait dans les archives de l’écrivain. Il fut retrouvé et confié à Philip Stead, qui entama un travail périlleux: mettre en mots les idées de Twain, mêler ses propres phrases à celles de l’auteur de Tom Sawyer et de Huckleberry Finn, faire coexister deux plumes, deux époques, deux sensibilités.
Le coup de génie de Stead fut de ne pas proposer un récit linéaire: le lecteur découvre certes l’histoire de Johnny, parti vendre son amie la poule et retrouver un jeune prince disparu, mais il lit aussi une «rencontre» entre Twain et Stead, leurs échanges (magnifiquement mis en scène dans une cabane sur une île du lac Michigan) au sujet de la création en cours, de la littérature, de l’enfance. Toutes ces interruptions et digressions donnent au récit, paradoxalement, une grande cohérence. Et accouchent d’une fable très politique, subtilement militante.
A ce tableau déjà enthousiasmant viennent s’ajouter les images d’Erin Stead. Gravures sur bois, encres et découpes au laser offrent une élégance sans pareille à ces pages superbement éditées.