CABU, LE GÉNIE DU TRAIT
Le monde lui doit le Grand Duduche, mais aussi son antithèse, le Beauf. Pendant plus d’un demi-siècle, Cabu a réinventé le monde par le dessin
Cabu a enrichi la sociologie de deux types impérissables: le Grand Duduche et le Beauf. Le premier, apparu en 1963 dans
Pilote sur l’instigation de René Goscinny, est l’incarnation éternelle du cancre. Un grand dadais fleur bleue à cheveu filasse et lunettes rondes, coincé à jamais dans l’âge bête. Amoureux de la fille du proviseur, il rêve d’un monde meilleur et a pour devise «A bas toutes les armées».
Le second, «type du petit-bourgeois aux idées étroites, conservateur et phallocrate», est entré dans le Robert en 1985. Il est le double négatif du potache lunaire et son exact contraire: un gros lard à bedaine et moustache qui aime le football, la corrida, la chasse, le tiercé et tout ce qui rend le monde plus moche.
ÉTERNEL ADOLESCENT
Cabu a aussi inventé le reportage dessiné, sillonné le monde et la France pour en rapporter des images prises sur le vif d’une justesse impressionnante. Il a fait la joie des jeunes téléspectateurs des années 80 en dessinant en direct à la télévision auprès de Dorothée dans Récré A2. Il a collaboré à Hara-Kiri, Pilote, La
Gueule ouverte, Le Canard
enchaîné… Ce passionné de jazz était le Charles Trenet de la caricature et depuis sa disparition la presse a triste mine.
Né Jean Cabut en 1938, cet artiste surdoué et prolifique, ce portraitiste de génie au trait léger et précis suscitait l’admiration de ses pairs. Richement illustré, Cabu. Une vie de dessinateur retrace la trajectoire d’un éternel adolescent. Ce farceur grandi à Châlons-sur-Marne conçoit un antimilitarisme viscéral au cours de vingt-sept mois de service militaire pendant la guerre d’Algérie. Trois générations de lecteurs pensent à lui comme à un vieil ami. Et puis le 7 janvier 2015, Duduche est tombé sous les balles des beaufs à barbe.