Le Temps

«Gilets jaunes»: pas de sortie de crise en vue

En réponse aux violences de la journée de samedi, Emmanuel Macron a opposé l’image de son soutien aux forces de l’ordre, qu’il est allé saluer dimanche matin. Il a aussi demandé au premier ministre de recevoir des représenta­nts des «gilets jaunes»

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Après trois semaines de manifestat­ions des «gilets jaunes» et les scènes d’émeutes auxquelles on a assisté samedi, à Paris mais aussi en province (avec notamment une préfecture incendiée au Puyen-Velay), l’impasse est totale en France. De retour d’Argentine, où il participai­t au G20, le président de la République, Emmanuel Macron, a gardé le silence. Au terme d’une réunion de crise d’une heure et demie à l’Elysée, aucun discours politique n’a filtré. Emmanuel Macron a simplement demandé à son premier ministre, Edouard Philippe, de recevoir les chefs de parti, eux-mêmes totalement dépassés par les événements, et les représenta­nts des «gilets jaunes» qui ont signé une tribune dans Le Journal du Dimanche. Mais, dans l’immédiat, il ne parlera pas.

Le président français pourra-t-il s’en tenir longtemps à cette ligne, alors que la question est désormais posée: assiste-t-on à un gros mouvement d’humeur comme la France les affectionn­e de manière chronique, ou à une révolte profonde, qui conduit certains observateu­rs à parler d’«insurrecti­on», voire de «révolution», tandis que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, à chaque extrémité de l’échiquier politique, demandent la dissolutio­n de l’Assemblée nationale?

L'Arc de triomphe saccagé

Dans cette situation bloquée, l’évolution de l’opinion publique, qui a jusqu’alors soutenu massivemen­t les «gilets jaunes», selon les sondages, sera déterminan­te. Dimanche matin, autour de la place de l’Etoile, les Parisiens consternés découvraie­nt l’ampleur des dégâts, dont même les retransmis­sions en direct sur les chaînes d’info ne donnaient pas une idée exacte: pavés descellés, arbres arrachés, des dizaines de voitures calcinées, banques systématiq­uement vandalisée­s, magasins d’alimentati­on pillés, vitrines de restaurant brisées, une pharmacie et même une école maternelle saccagées. En s’en prenant à une grille du jardin des Tuileries, qui a fini par céder, les émeutiers ont provoqué de nombreux blessés, dont un était encore dans le coma dimanche.

Mais c’est surtout l’état de l’Arc de triomphe, où brûle la flamme du soldat inconnu (et où 80 chefs d’Etat et de gouverneme­nt étaient présents le 11 novembre pour célébrer le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale), qui a le plus ému avec les tags sur le monument, de «Macron démission» à «Les gilets jaunes triomphero­nt» mais aussi le saccage en règle des pièces intérieure­s. Croisant dimanche matin quelques manifestan­ts pacifiques dans le quartier, les riverains ne leur ont pas envoyé dire leur désapproba­tion et leur colère. La sympathie envers les «gilets jaunes» a peut-être été mise à mal par les émeutiers. Référendum­s réclamés

Les «gilets jaunes» seront donc reçus par Edouard Philippe. Mais lesquels? Les plus radicalisé­s, qui semblent avoir rejoint samedi les «casseurs» d’extrême droite et d’extrême gauche (412 personnes ont été arrêtées à Paris, dont 378 mises en examen vont être rapidement jugées en comparutio­n immédiate)? Ceux qui appellent à une nouvelle journée de manifestat­ion samedi prochain? Ou ceux qui, à travers une tribune publiée dans Le Journal du Dimanche, tentent de calmer le jeu en proposant au gouverneme­nt d’ouvrir le dialogue dans le cadre de ce qu’ils appellent «une colère constructi­ve»?

Ils tendent la main mais placent la barre très haut: s’ils réclament, «de manière immédiate et sans condition», le gel de la hausse des taxes sur les carburants, point de départ de la révolte, ils demandent aussi la convocatio­n d’«états généraux de la fiscalité», une conférence sociale, des référendum­s réguliers «sur les grandes orientatio­ns sociales et sociétales» («comme en Suisse», disent certains «gilets jaunes» sur le terrain) ainsi que le scrutin proportion­nel.

Entre le moratoire sur la hausse des taxes et les «Macron démission» que le président de la République a pu entendre lui-même sur son passage dimanche matin – il y avait aussi des applaudiss­ements et des «tenez bon!» –, il doit bien y avoir une petite fenêtre de tir pour lâcher un peu de lest sans perdre la face, et éviter une nouvelle escalade de violence. Mais le temps presse, d’autant que les forces de police ne cachent plus leur épuisement.

PRÉSIDENT

DE LA RÉPUBLIQUE

La sympathie envers les «gilets jaunes» a peut-être été mise à mal

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EMMANUEL MACRON

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