Chappatte, la Suisse et le péril orange
Le dessinateur du «Temps» publie un recueil de dessins qu’il vient présenter ce mercredi à la rédaction lors d’une rencontre publique
Le 45e président des Etats-Unis d’Amérique ne pouvait décemment pas être Donald Trump, cet homme d’affaires milliardaire passé par la case téléréalité. Mais voilà, le 8 novembre 2016, la réalité a largement dépassé la plus hypothétique des fictions. Depuis, pas un jour ne passe sans que l’homme à la mèche volante et au teint orangé ne fasse parler de lui, ici avec un tweet assassin, là avec une déclaration populiste, une bourde désespérante ou une décision autoritaire. Une aubaine pour les éditorialistes. Et les dessinateurs aussi: Chappatte, collaborateur du Temps depuis sa création il y a 20 ans, consacre le premier chapitre de son nouveau recueil, Le choc des ego, à Donald Trump.
«Qu’est-il arrivé à nos démocraties pendant qu’on avait le dos tourné?» se demande-t-il en introduction de cette compilation proposant une sélection de dessins publiés ces quatre dernières années. Une question qui souligne que si les Etats-Unis ont à leur tête un président républicain encore plus marqué à droite que son parti, le populisme gagne du terrain un peu partout à travers le monde, récemment encore au Brésil. Trump est ce qu’on appelle, dans le jargon journalistique, un bon client. Chappatte a raillé aussi bien sa coupe de cheveux (en la comparant à une capuche du Ku Klux Klan portée à l’horizontale) que sa misogynie (en lui faisant mettre la main aux fesses de la statue de la Liberté) ou son absence de conscience écologique («pour ce qui est de la pollution, ça sera America first», lui fait-il dire). Caricature vivante
Si les dessins du Genevois sont aussi efficaces, c’est parce qu’ils ne cherchent pas le gag pour le gag. Au-delà de leur élégance graphique, ils ont souvent plusieurs niveaux de lecture et jouent sur le comique de situation dans une approche très anglo-saxonne. Si la coupe de cheveux de Trump est moquée, c’est pour mieux mettre en avant ses accointances avec l’extrême droite; et si sa misogynie est stigmatisée, c’est dans le but de souligner son mépris de la démocratie. Mais si Trump est un bon client, il est lui-même une caricature, d’où la difficulté de ne pas tomber dans la facilité. Chappatte, lui, touche toujours juste. Comment évoquer l’ingérence russe dans la campagne présidentielle? Avec cette idée toute simple: Poutine, ordinateur portable sur les genoux, est assis à côté de Trump, visiblement en train de tweeter. «Je vais vous aider à trouver les hackers», lui glisse-t-il avant de lui demander son mot de passe…
Les deux autres chapitres du Choc des ego sont consacrés au monde et à la Suisse. Crise migratoire, réchauffement climatique, terrorisme, conflit syrien, Brexit et Calalogne d’un côté, «No Billag», fiscalité, Maudet, vaches à cornes, UDC et intégration de l’autre. Feuilleter ce nouveau recueil, c’est se souvenir des grands thèmes qui ont fait – et font souvent encore – l’actualité; c’est aussi pouvoir prendre le temps d’admirer la qualité du trait du dessinateur qui, lorsqu’il rend hommage au Bûcheron de Ferdinand Hodler pour évoquer la sortie du nucléaire, livre un dessin qu’on aurait envie d’afficher chez soi. Mais comment donc travaille Chappatte? Pour le savoir, rendez-vous ce mercredi dans les locaux du Temps.
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Si les dessins du Genevois sont aussi efficaces, c’est parce qu’il ne cherche pas le gag pour le gag