«C’est un marché exigeant, mais très lucratif»
«L’industrie de la défense peut compter sur d’importants budgets étatiques» LUDOVIC JANVY, DIRECTEUR POUR LA SUISSE DE LA DIVISION INDUSTRIE DE LA SOCIÉTÉ DE CONSEIL ALTRAN
Dresser un portrait de l’industrie de l’armement en Suisse s’avère complexe, tant elle compte d’acteurs plus ou moins actifs sur ce segment. Car malgré sa complexité, c’est un marché juteux, analyse Ludovic Janvy, directeur pour la Suisse de la division industrie de la société de conseil Altran
Il y a bien sûr Ruag, au nom sans équivoque, ne lui en déplaise: Rüstungsunternehmen AG (entreprise d’armement en allemand). Et puis Mowag, connue pour son char d’assaut Piranha surmonté d’un canon, même si aujourd’hui on l’appelle General Dynamics European Land Systems, depuis son rachat par un grand groupe américain. Mais sur les listes des membres des faîtières suisses de la défense, on retrouve aussi une bonne centaine d’entreprises de l’électronique, de l’informatique, de la micromécanique ou encore de l’horlogerie, qui restent discrètes sur le poids qu’elles pèsent dans ce segment où l’argent coule à flots.
Pourquoi est-il si difficile de recenser les entreprises actives dans le segment de la défense?
Parce que dans la majorité des cas, les biens et technologies qu’elles produisent peuvent être utilisés à la fois dans le civil et servir à l’assemblage de matériel de guerre. La différenciation ne se fait que dans l’application finale. Parmi les spécialités suisses figurent les capteurs, les systèmes de télécommunications ou de guidage et les systèmes d’armement (coordination de dispositifs mécaniques, électroniques et informatiques dans un objectif militaire).
Qu’est-ce qui rend ce marché si juteux?
Les pays regardent moins à la dépense pour avoir le meilleur produit pour leurs soldats. Il s’agit souvent de produits sur mesure, en relativement faibles quantités, que l’entreprise peut facturer très cher. En outre, ce sont des produits de niche ou d’ultra-niche dans lesquels il y a peu d’acteurs. Ensuite, contrairement à d’autres industries, comme l’automobile par exemple, l’industrie de la défense peut compter sur d’importants budgets étatiques. Et enfin, parce que pour ce type de fournitures il s’agit souvent de contrats pluriannuels.
La réglementation est assez facilement contournable, comme l’a démontré dans un audit le Contrôle fédéral des finances. Notamment grâce à la «règle des 50%» [elle permet de réexporter des éléments de matériel de guerre, tant que ceux-ci ne représentent qu’au maximum 50% des coûts du produit fini]. La législation est insuffisante?
Oui et non. Disons que c’est la loi sur le contrôle des biens qui est appliquée dans le cas de biens dits à double usage [moins restrictive que la loi sur le matériel de guerre; dans son audit, le Contrôle fédéral des finances donnait l’exemple de lunettes de visée exportées en Iran via l’Italie].
Que vient-on chercher en Suisse?
On vient chercher la qualité et la précision qui font la réputation de non-défaillance des produits helvétiques. Le fameux «Swissness».
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