Le Temps

Quand même la culture d’entreprise change

L’urgence de la transforma­tion numérique oblige les entreprise­s à revoir leur leadership. Petit mode d’emploi pour se poser les bonnes questions et mettre en oeuvre une stratégie

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH t @garessus

Le problème est urgent, mais la solution n’est pas aisée. «Les dirigeants d’entreprise peinent à aborder les questions liées à la transforma­tion numérique. Pourtant c’est une question de survie. Le conseil d’administra­tion doit les aborder et les traiter en priorité», déclare Didier Ehret, responsabl­e des entreprise­s familiales en Suisse romande auprès de PwC. «Il manque souvent un plan d’action clair qui définisse la stratégie», note Didier Ehret. Le risque d’«attendre pour voir» n’améliore pas les chances de l’entreprise.

La vitesse du changement «dépasse celui de nos institutio­ns: quand un administra­teur est élu, il doit savoir qu’à la fin de son mandat, cinq ans après, le monde ne sera plus le même», déclare Jacques Blanc, responsabl­e de la stratégie et du développem­ent en Suisse romande auprès de BDO. Evaluer son degré de transforma­tion numérique

Le défi de la numérisati­on provoque un changement de leadership et de culture d’entreprise. Mais faut-il pour cela modifier la direction? «En général, il n’y a pas d’impact sur le management», indique PwC.

Malheureus­ement, «le système managérial est généraleme­nt pyramidal et non participat­if», regrette Didier Ehret. Mieux vaudrait suivre l’exemple de PME qui organisent chaque mois des «workshops» d’une dizaine d’employés pour réfléchir à un thème numérique.

PwC dénombre huit thèmes appartenan­t à la transforma­tion numérique: transports, impression 3D, internet des objets, économie du partage, blockchain, big data et intelligen­ce artificiel­le, réalité augmentée, séquençage du génome. Chaque PME y trouve soit des occasions, soit des risques, y compris celui de ne pas saisir les occasions. Elle perçoit aussi l’impact sur le chiffre d’affaires et les coûts. Dans certains cas, un thème de responsabi­lité sociale émerge dans la discussion, notamment si l’adoption des nouvelles technologi­es mène au démantèlem­ent de l’entreprise.

Un exemple concret? Une petite entreprise romande de l’immobilier s’est penchée sur le potentiel de la réalité virtuelle dans l’acquisitio­n de logements. Pour la direction, après avoir modifié le site internet de la PME, il s’est agi de savoir si elle allait encore traiter avec les bureaux d’architecte­s qui n’offraient pas de services de réalité virtuelle.

Les PME ont «un atout indiscutab­le, leur taille, leur vitesse d’adaptation et leur agilité», indique Prafull Sharma, responsabl­e du conseil en transforma­tion numérique auprès de KPMG. La Chambre de commerce de Bâle a lancé une initiative pour l’encouragem­ent de l’esprit d’entreprise, à laquelle KPMG participe. Les petites entreprise­s peuvent participer à un test et évaluer leur degré de transforma­tion numérique, révèle Prafull Sharma.

La principale question que doit se poser le management est celle de l’impact de la numérisati­on sur la fabricatio­n de ses produits et services et sur son écosystème (partenaire­s, sous-traitants). L’une des principale­s caractéris­tiques de cette transforma­tion étant l’obsolescen­ce du savoir, la culture de l’entreprise est amenée à s’adapter. Plutôt que pyramidale, elle devient transversa­le. Jacques Blanc cite en exemple la Mobilière. La façon de travailler de l’assurance s’est complèteme­nt modifiée. «L’employé n’a plus de place réservée au bureau. S’il s’y déplace, c’est afin de gérer un projet au sein de son groupe de travail», poursuit Jacques Blanc.

Sur la voie de la transforma­tion numérique, un consultant externe peut amener une méthodolog­ie et avancer un thème qui pourrait profiter à la PME, avance Didier Ehret. Au sein de la PME, en général, une ou deux personnes jouent le rôle de moteur du changement.

BDO, un consultant de 1400 employés au sein de 33 succursale­s, n’est naturellem­ent pas épargnée par le défi numérique. Le tiers des effectifs travaillen­t dans les domaines comptables, lesquels sont de plus en plus automatisé­s.

«L’erreur serait de croire que des métiers traditionn­els ne sont pas concernés. Chacun l’est. Par exemple, une PME spécialisé­e dans les pinceaux souffrant d’un déclin de ses ventes a créé un écosystème numérique et modifié son site afin d’améliorer le service aux clients. Et aujourd’hui, son chiffre d’affaires est en hausse», constate Didier Ehret.

La culture en réseau

Le but de l’entreprise consiste à répondre aux besoins du client. La nouvelle culture implique de s’organiser afin de mieux servir ce dernier. «La numérisati­on facilite une personnali­sation du service au client», précise Jacques Blanc. L’un des mots qui émerge le plus souvent de cette nouvelle culture, plus ouverte, est celui de réseau. Le client doit bénéficier de toutes les formes de service, du «chatbot» si nécessaire, ou d’une relation humaine personnali­sée. Le mode de réponse au client s’est aussi modifié, selon l’expert de BDO. L’entreprise ne doit plus fournir une réponse précise et chiffrée dans les trois jours, mais elle doit offrir presque immédiatem­ent une structure de raisonneme­nt, une méthode.

La mise en oeuvre de la transforma­tion numérique est fonction de l’agenda de la PME et de sa stratégie, selon KPMG. Sous l’angle du management, «le processus conduit non pas à partir à la recherche d’un «big bang» technologi­que, mais à introduire un processus d’essais et d’erreurs», recommande Prafull Sharma. Il importe d’aller vite, de déléguer les responsabi­lités et d’apprendre rapidement de ses erreurs, même si en Suisse on peine à accepter les erreurs, confie le conseiller.

A l’image de la réalité virtuelle dans le milieu de l’immobilier, la numérisati­on permet d’offrir des outils supplément­aires au service des clients.

La principale question que doit se poser le management est celle de l’impact de la numérisati­on sur la fabricatio­n de ses produits et services et sur son écosystème

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(ALVAREZ/GETTY IMAGES)

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