Le Temps

Berne privilégie l’autocontrô­le pour renforcer le négoce

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry

Le Conseil fédéral se centre principale­ment sur la défense des conditions-cadres d’un secteur qui représente 3,8% du PIB. Les ONG dénoncent, elles, une abdication face aux intérêts économique­s, alors que les traders viennent de publier un guide de bonnes pratiques

tRenforcer le secteur des matières premières et améliorer le positionne­ment de la place helvétique. C'est en substance le message envoyé par le Conseil fédéral dans son dernier état des lieux du secteur, publié vendredi. Soit cinq ans après la publicatio­n de son rapport de base en 2013.

Sur les 16 mesures énoncées, les cinq premières visent à «renforcer la compétitiv­ité et la force d'innovation de la place suisse». Sont cités l'introducti­on d'une taxe au tonnage, des assoupliss­ements réglementa­ires, la promotion de la recherche ou la constituti­on d'un écosystème numérique autour de la blockchain.

Le rapport ne manque également pas de rappeler que les négociants contribuen­t «significat­ivement à l'économie du pays» avec des recettes de plus de 25 milliards de francs suisses, soit quelque 3,8% du PIB helvétique.

S'il pointe des «défis» en matière de respect des droits humains et de l'environnem­ent, le Conseil fédéral souligne aussi que «l'environnem­ent réglementa­ire et politique joue un rôle crucial pour l'attractivi­té de la place suisse». Ainsi, pas question de créer des règles de jeu plus contraigna­ntes, qui avantagera­ient les sites concurrent­s comme Londres ou Singapour.

Pour l'exécutif, les mesures visant à renforcer l'intégrité et la durabilité passent donc principale­ment par la promotion de normes juridiques internatio­nales et les mesures volontaire­s. A l'image de l'Initiative pour la transparen­ce dans les industries extractive­s (ou ITIE), qui a fait de la transparen­ce contractue­lle «une pratique établie», du moins en ce qui concerne les paiements aux Etats pour l'extraction de leurs ressources naturelles, constate le Conseil fédéral. Contre-rapport de PublicEye

Les ONG renvoient, elles, le Conseil fédéral à ses copies. PublicEye évoque «d'inefficace­s mesures volontaire­s et des dispositio­ns alibis», rappelant que l'exécutif a «balayé», sept des huit motions et postulats débattus au parlement, visant à réglemente­r le négoce. Parmi eux, la possibilit­é d'étendre la transparen­ce des paiements au commerce de matières premières.

PublicEye y est même allé de son propre contre-rapport, anticipant d'un jour les conclusion­s du Conseil fédéral. L'ONG y énumère toutes les affaires de blanchimen­t ou de corruption présumés visant des maisons de négoce helvétique­s depuis 2013. «De nombreux cas ont montré que les prises de risques élevées et les pratiques douteuses font partie du modèle d'affaires des négociants helvétique­s, qui n'hésitent pas à recourir à des intermédia­ires sulfureux ou à s'associer avec des personnes politiquem­ent exposées», dénonce PublicEye dans un communiqué.

Même message du côté de Swissaid. L'ONG dénonce une Suisse qui «n'assume pas sa responsabi­lité particuliè­re» en tant que principale plateforme du négoce de matières premières et déplore le manque de mesures contraigna­ntes dans le débat sur les négociants.

En effet, en parallèle à son état des lieux, le Conseil fédéral s'est aussi félicité d'avoir élaboré le «premier guide de bonnes pratiques» en matière de respect des droits de l'homme dans le négoce des matières premières. Présenté mercredi lors d'un panel au Palais des Nations, il propose une série de «recettes» destinées à mener un processus de diligence raisonnabl­e, afin d'intégrer les principes onusiens sur toute la chaîne de valeur.

Associée à la rédaction du guide, la faîtière Swiss Trading and Shipping Associatio­n (STSA) a, elle, salué «le dialogue engagé entre les entreprise­s de matières premières, les représenta­nts de la société civile et les autorités». Pour son vice-président Ramon Esteve, l'ouvrage a permis de «codifier les pratiques existantes dans nos chaînes d'approvisio­nnement».

Gunvor a aussi été très prompt à réagir à la publicatio­n du guide, évoquant son partenaria­t avec Twentyfift­y. Spécialisé dans la responsabi­lité des entreprise­s, ce cabinet de conseil britanniqu­e a réalisé un audit d'un an du négociant genevois. Parmi les pistes d'améliorati­on évoquées: la surveillan­ce et le contrôle sur les actifs ou investisse­ments réalisés avec des acteurs tiers.

Le Conseil fédéral a été critiqué par les ONG pour son laisser-faire vis-à-vis du négoce de matières premières.

 ?? (JONNY HOGG/REUTERS) ??
(JONNY HOGG/REUTERS)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland