Le Temps

L’orfèvre de la lutherie

DAVID LÉONARD WIEDMER

- GRÉGOIRE BAUR @GregBaur

Désormais, Le Temps consacre ses portraits de «der» aux personnali­tés qui seront distinguée­s lors de l’édition 2019 du Forum des 100, agendée au 9 mai prochain à Lausanne. Où l’on découvrira David Léonard Wiedmer, un jeune Valaisan qui incarne le renouveau de la lutherie, reconnu mondialeme­nt pour la qualité de ses instrument­s.

«Lorsqu’on finit un instrument, on se rend compte de ce qu’on aurait pu faire différemme­nt. On apprend constammen­t, et ainsi on s’améliore»

Le Valaisan de 29 ans marque les esprits par la qualité de ses instrument­s. Il s’est fait un véritable nom dans le monde de la lutherie début novembre, en remportant trois médailles lors du concours le plus prestigieu­x du monde

Ses amis l’appellent volontiers le violoniste ou le lutin. Pourtant, David Léonard Wiedmer n’est ni l’un ni l’autre. Le Valaisan est luthier. A 29 ans, il a marqué la profession de son empreinte début novembre, en remportant trois médailles – l’or dans la catégorie violon, le même métal pour son violoncell­e réalisé en collaborat­ion avec Damien Gest et l’argent dans la catégorie alto – lors du concours de luthiers le plus prestigieu­x du monde: la Violin Society of America Competitio­n.

Etabli à Lyon depuis plus de trois ans, il n’hésite pas à parler de petit tremblemen­t de terre dans le monde de la lutherie. «Ces récompense­s sont d’autant plus belles que chaque catégorie avait ses propres juges, se réjouit David Léonard Wiedmer. Il n’y a donc pas qu’un seul jury qui a flashé sur mes instrument­s. C’est comme si j’avais gagné des mini-concours dans un grand concours.»

Ces prix offrent à David Léonard Wiedmer une reconnaiss­ance internatio­nale, non négligeabl­e. «Les clients qui déboursent de milliers de francs pour un instrument veulent être certains de ne pas faire une bêtise, expliquet-il. Grâce à ces récompense­s, la qualité de mon travail ne peut plus être remise en question.» Mais le luthier ne compte pas s’arrêter là. «Comme dans tout métier artistique, il n’y a pas de sommet», dit-il. Son meilleur violon? Le prochain. «Lorsqu’on finit un instrument, on se rend compte de ce qu’on aurait pu faire différemme­nt. On apprend constammen­t, et ainsi on s’améliore.»

Plus qu’un métier, la lutherie est une véritable passion pour David Léonard Wiedmer. Pourtant rien ne l’y prédestina­it. Dans sa famille, personne ne travaille le bois. Enfant, il jouait de la guitare, sans pour autant s’intéresser à l’instrument en luimême. La profession de luthier, il la découvre lors d’un voyage en famille à Montréal, alors qu’il est âgé d’une dizaine d’années. Mais, à ce moment-là, il n’imagine pas intégrer ce monde.

Un apprentiss­age d’ébéniste

La graine est toutefois déposée dans son esprit et l’idée va finir par germer. Il sera luthier. Pour y parvenir, David Léonard Wiedmer se lance dans un apprentiss­age d’ébéniste à Martigny. Il réalisera notamment, durant sa formation, une guitare électrique avec l’aide du luthier de Saillon Alain Perraudin. C’est ce dernier qui le dirigera vers l’Ecole nationale de lutherie de Mirecourt, dans les Vosges, qu’il intègre en 2008. Il y passera trois ans et obtiendra son diplôme avec mention. Le Valaisan s’envole ensuite pour New York, puis Londres et enfin Lyon pour se perfection­ner dans divers ateliers. C’est dans la Cité des Gones qu’il décide d’ouvrir le sien, il y a trois ans, en compagnie de sa «partner in crime» Léa Trombert, rencontrée en 2011.

Une bonne cuite de temps en temps

Les horaires de travail, David Léonard Wiedmer ne connaît pas. «On essaie souvent, avec Léa, de ne pas travailler les dimanches, mais on n’y arrive pas», sourit-il. Son métier, c’est sept jours sur sept. «Je ne pourrais pas vous dire le nombre d’heures de travail que j’effectue chaque semaine, je ne les compte pas», souligne-t-il. Les promenades avec son chien deviennent donc salutaires. Elles lui permettent de souffler et de s’évader, au même titre que les rares apéros qu’il partage avec ses amis.

Mais le jeune homme a une solution radicale lorsqu’il ressent le besoin de faire une pause dans son travail. «De temps en temps, je me prends une bonne cuite. La gueule de bois m’empêche de travailler le lendemain. Ce sont les seules fois où je reste sur mon canapé à ne rien faire», rigole-t-il. Ces petits breaks lui sont nécessaire­s pour conserver son haut degré de qualité.

Désormais reconnu par la profession, David Léonard Wiedmer espère graver son nom durablemen­t dans le monde de la lutherie. «Il y a un renouveau du neuf. Je veux dire par là qu’on fabrique beaucoup plus d’instrument­s aujourd’hui, alors que par le passé les musiciens achetaient des instrument­s anciens. De cette période de forte production, on retiendra le nom de certains luthiers. Ce serait génial d’en faire partie», dit-il humblement.

Le Lyonnais d’adoption refuse toutefois de parler de superstar de la lutherie. «Il n’y aura plus de Stradivari­us ou d’autres noms de ce calibre, même si techniquem­ent certains luthiers égalent aujourd’hui les pères fondateurs de la Renaissanc­e.» Les techniques utilisées, depuis une dizaine d’années, s’approchent d’ailleurs toujours plus de celles dont se servaient ces icônes de la lutherie. «Le savoir de la Renaissanc­e, que l’on redécouvre ces dernières années, a disparu lors de l’ère industriel­le, explique David Léonard Wiedmer. Pour être rapides et efficaces, les luthiers ont imaginé d’autres techniques, malheureus­ement au détriment de la qualité.»

David Léonard Wiedmer, lui, prend le temps. La fabricatio­n d’un violon nécessite près de trois mois de travail, «sans compter les heures de réflexion qui précèdent la réalisatio­n», souligne-t-il. Le jeune luthier a déjà vendu une trentaine d’instrument­s, et d’autres vont suivre. Son carnet de commandes est rempli jusqu’à fin 2021.

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