Les barbelés de la honte
A Tijuana, après avoir vécu dans un camp de fortune transformé en cloaque géant, les 6000 migrants qui composaient la caravane partie d’Amérique centrale le 12 octobre se sont dispersés. Au pied du «mur» américain, ces migrants aux destins brisés et aux rêves avortés ont désormais trois options: tenter coûte que coûte de passer aux EtatsUnis, rester au Mexique, ou rentrer. Epuisés, résignés et désespérés.
Pour certains, la tentation est grande de criminaliser les activistes et les ONG qui ont accompagné cet exode. Ou, comme le fait le président Donald Trump, de qualifier les migrants de «profiteurs» et de «criminels», et de brandir le spectre de l’«invasion» pour dépêcher près de 9000 soldats à la frontière et ériger des barbelés. La peur et le rejet de l’autre ont toujours fait recette.
Mais la réalité est bien plus nuancée et complexe. Ne pas vouloir la voir est irresponsable et diaboliser ceux qui composent la caravane, malhonnête. Bien sûr, il existera toujours des «profiteurs» aux intentions troubles. Mais sur le terrain, dans la gadoue de Tijuana, nous avons rencontré des hommes, des femmes et des enfants qui ont fui la violence de gangs et de cartels. Des gens passés par les pires sévices, rackettés et menacés par des bandes de malfrats sans foi ni loi. Les récits effroyables d’assassinats et des cicatrices bien visibles parlent d’eux-mêmes. Echapper à ces situations intenables est la motivation première de leur fuite.
Beaucoup espèrent par ailleurs gagner l’«eldorado» américain en déposant une demande d’asile. Or la frontière des EtatsUnis devient de plus en plus impénétrable, y compris pour ceux qui veulent y accéder légalement. Donald Trump compte limiter
Rackettés, menacés, ils fuient la violence des gangs
le nombre de réfugiés. Il veut que le Mexique garde les migrants sur son sol pendant l’examen des demandes. Il bafoue ainsi le principe élémentaire du droit d’asile. Sa décision de diviser les familles de clandestins à la frontière est l’illustration la plus scandaleuse de son manque de compassion à l’égard des migrants.
Les gouvernements des pays d’Amérique centrale, le Honduras en tête, portent une grande part de responsabilité dans cet exode. Mais les oeillères américaines et la militarisation de la frontière amplifient les drames humains. Désormais, des migrants coincés au Mexique risquent l’expulsion ou d’être exploités par des bandes criminelles. La situation d’urgence ne peut plus être ignorée.