Le Temps

«Ce mouvement est si divers qu’il est imperméabl­e à la récupérati­on»

- PROPOS RECUEILLIS PAR CAROLINE CHRISTINAZ @Caroline_tinaz

Pour Aurélien Delpirou, maître de conférence­s à l’Ecole d’urbanisme de Paris, la crise des «gilets jaunes» témoigne d’une France complexe que ses dirigeants n’ont pas comprise. Selon lui, la crise actuelle incite une bonne fois pour toutes à sortir d’une lecture binaire.

Cette crise marque-t-elle un point de bascule dans la présidence d’Emmanuel Macron?

Le discours des «gilets jaunes» trahit une contestati­on radicale de l’exercice du pouvoir tel qu’il est mené en France. Emmanuel Macron, qui l’incarne de manière emblématiq­ue, ne pourra certaineme­nt plus gouverner comme avant. S’il souhaite pérenniser son mandat, il devra radicaleme­nt changer sa façon d’exercer le pouvoir.

Vous dénoncez l’aspect caricatura­l des analyses du mouvement des «gilets jaunes».

Ces analyses binaires qu’on nous rabâche sont insupporta­bles. La globalisat­ion a engendré un paysage beaucoup plus complexe que celui d’une France divisée en deux entre un espace rural et un autre urbain. Ces visions ne correspond­ent pas à la réalité et ne produisent aucune solution politique possible.

La hausse du prix du carburant est-elle vraiment le centre des problèmes?

a été l’étincelle. Mais si on regarde les chiffres, sur un an, le carburant correspond à 3% du budget des ménages. L’automobile est au coeur des pratiques sociales des Français. Quoi qu’il en soit, très vite les revendicat­ions ont été plutôt fiscales. Et depuis quelques jours elles sont devenues socio-économique­s. On parle retraites, pouvoir d’achat, salaires.

Vous êtes allé à Limoges parmi les manifestan­ts. Qui sont-ils?

Ce sont des membres des classes moyennes qui habitent autant les espaces périurbain­s que les quartiers périphériq­ues près des villes. Ce sont des gens qui se mobilisent pour des questions de justice sociale et fiscale.

Les «gilets jaunes» vont-ils se transforme­r en parti politique?

Tous les partis ont essayé de les récupérer. Mais ce mouvement est si divers qu’il est imperméabl­e à la récupérati­on.

Cette crise vous surprend-elle?

Non. La colère gronde depuis 2011 avec la crise de l’endettemen­t. Cela me surprend encore moins que le mouvement vienne par le bas.

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