«Ce mouvement est si divers qu’il est imperméable à la récupération»
Pour Aurélien Delpirou, maître de conférences à l’Ecole d’urbanisme de Paris, la crise des «gilets jaunes» témoigne d’une France complexe que ses dirigeants n’ont pas comprise. Selon lui, la crise actuelle incite une bonne fois pour toutes à sortir d’une lecture binaire.
Cette crise marque-t-elle un point de bascule dans la présidence d’Emmanuel Macron?
Le discours des «gilets jaunes» trahit une contestation radicale de l’exercice du pouvoir tel qu’il est mené en France. Emmanuel Macron, qui l’incarne de manière emblématique, ne pourra certainement plus gouverner comme avant. S’il souhaite pérenniser son mandat, il devra radicalement changer sa façon d’exercer le pouvoir.
Vous dénoncez l’aspect caricatural des analyses du mouvement des «gilets jaunes».
Ces analyses binaires qu’on nous rabâche sont insupportables. La globalisation a engendré un paysage beaucoup plus complexe que celui d’une France divisée en deux entre un espace rural et un autre urbain. Ces visions ne correspondent pas à la réalité et ne produisent aucune solution politique possible.
La hausse du prix du carburant est-elle vraiment le centre des problèmes?
a été l’étincelle. Mais si on regarde les chiffres, sur un an, le carburant correspond à 3% du budget des ménages. L’automobile est au coeur des pratiques sociales des Français. Quoi qu’il en soit, très vite les revendications ont été plutôt fiscales. Et depuis quelques jours elles sont devenues socio-économiques. On parle retraites, pouvoir d’achat, salaires.
Vous êtes allé à Limoges parmi les manifestants. Qui sont-ils?
Ce sont des membres des classes moyennes qui habitent autant les espaces périurbains que les quartiers périphériques près des villes. Ce sont des gens qui se mobilisent pour des questions de justice sociale et fiscale.
Les «gilets jaunes» vont-ils se transformer en parti politique?
Tous les partis ont essayé de les récupérer. Mais ce mouvement est si divers qu’il est imperméable à la récupération.
Cette crise vous surprend-elle?
Non. La colère gronde depuis 2011 avec la crise de l’endettement. Cela me surprend encore moins que le mouvement vienne par le bas.
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