Viola Amherd prend les devants
CONSEIL FÉDÉRAL Tandis que Karin Keller-Sutter est quasi assurée de prendre la place de Johann Schneider-Ammann, la succession de Doris Leuthard est plus incertaine. Mais, ce mardi, la conseillère nationale haut-valaisanne a conforté son rôle de favorite
A Berne la capitale, les Valaisans se sentent comme à la maison. C’est là qu’ils ont raflé tant de Coupes de Suisse au stade du Wankdorf grâce au FC Sion. Sur le plan politique, ils sont bien partis dans la reconquête d’un siège au Conseil fédéral. Lors des dernières auditions de ce mardi, la vice-présidente du groupe PDC, Viola Amherd, a conforté sa position de favorite face à Heidi Z’graggen. Radio Rottu Oberwallis paraît même si certain de sa victoire qu’il a parqué son car de reportage sur la Bundesgasse, en en bloquant l’une des voies!
Le Valais continue ainsi de marquer la politique suisse depuis un bon quart de siècle. Après Peter Bodenmann (PSS) et Christophe Darbellay (PDC) en tant que présidents de parti, voici la vice-présidente plurilingue du PDC, Viola Amherd, bien partie pour devenir la quatrième conseillère fédérale du canton après Josef Escher, Roger Bonvin et Pascal Couchepin moins de dix ans après le départ de ce dernier.
«Il n’y a pas photo»
Dans son rôle d’outsider, Heidi Z’graggen jouait l’un de ses derniers atouts lors de l’audition devant le PLR. Pour renverser la vapeur, elle devait remporter son duel grâce à son profil un peu plus bourgeois que celui de sa rivale. Comme de coutume chez eux, les libéraux-radicaux ne donnent aucune consigne de vote. «Les deux candidates sont valables pour être élues», s’est contenté de dire le chef de groupe, Beat Walti.
Mais les premiers témoignages recueillis à l’issue de la séance du groupe ne laissaient guère planer le doute. La Haut-Valaisanne a remporté son duel à distance. «Il n’y a pas eu photo», dit un élu. «Même si Heidi Z’graggen n’a pas démérité, Viola Amherd a dominé son sujet par son aisance personnelle et linguistique.» Elle est apparue plus détendue et enfin souriante. S’exprimant en quatre langues, elle s’est montrée suffisamment confiante en elle pour marteler un avis dont elle savait qu’il ne plairait pas au PLR. «Elle a compris que ce n’est pas en donnant des gages à chaque parti qu’on gagne une élection au Conseil fédéral», explique un autre élu. Après les auditions, ces deux parlementaires estimaient que deux tiers du groupe voteraient pour elle.
Au Parti socialiste, par contre, Viola Amherd a été moins convaincante. Fatiguée peut-être par cette veillée d’armes harassante, elle n’a pris aucun risque. Elle a même esquivé une question relative au Pacte pour les migrations de l’ONU. «Ce n’est pas un sujet abordé dans les commissions dans lesquelles je siège», a-t-elle éludé. Mais au PS, la Haut-Valaisanne évoluait en terrain conquis, sachant que près de 90% des «camarades» voteraient pour elle. Le PS n’a pas encore tranché quant à sa favorite, mais il pourrait fort bien le faire encore ce mercredi lors d’une séance fixée à 7h15. Heidi Z’graggen trop superficielle
De manière générale, Heidi Z’graggen a plu par son dynamisme et sa spontanéité, mais sans que ces deux qualités ne puissent masquer sa connaissance superficielle des dossiers fédéraux. «Dès que les questions deviennent pointues, elle est dépassée», dit un parlementaire UDC, le seul groupe dont elle a pourtant obtenu le soutien officiel. Elle est de plus handicapée par ce qu’on peut appeler «l’effet Maudet». L’affaire qui secoue actuellement le canton de Genève n’est pas passée inaperçue à Berne. Les 246 membres des deux Chambres se méfient désormais instinctivement des candidats de l’extérieur, se demandant «s’ils n’ont pas des cadavres dans le placard». Cela pourrait coûter une quinzaine de voix à Heidi Z’graggen.
Comme si cela ne suffisait pas, les petits partis ont tous pris position pour Viola Amherd, notamment le PBD et les Vert’libéraux. Chez ces derniers, ce revers est particulièrement douloureux pour l’Uranaise. En redynamisant son canton grâce au projet touristique pharaonique d’Andermatt, dans lequel le milliardaire Samih Sawiris a déjà investi 1 milliard de francs tout en créant 500 emplois, la conseillère d’Etat s’était forgé un profil correspondant aux valeurs de ce parti: la promotion d’une économie libérale respectant les soucis des protecteurs de la nature.
Ouverture sur l’Europe
Or, le Parti vert’libéral ne l’a pas ressenti ainsi. Il a clairement porté sa préférence sur Viola Amherd, la femme connue du sérail avec laquelle il collabore depuis plusieurs législatures. De plus, Tiana Moser, la cheffe de groupe du parti désormais le plus europhile de Suisse, a souligné la plus grande ouverture de Viola Amherd sur le dossier européen. Visiblement, la Haut-Valaisanne a repris la position de Doris Leuthard au sein du Conseil fédéral, qui reste favorable à la signature d’un accord institutionnel avec l’UE. Dans une interview à la NZZ, Viola Amherd a été la seule à envisager de pouvoir reprendre la directive européenne sur les travailleurs détachés si celle-ci devait assurer le même degré de protection des salaires que les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, dont l’UE ne veut plus.
Pour ce qui est de la succession de Johann Schneider-Ammann, l’élection de Karin Keller-Sutter ne fait plus aucun doute, tant son rival Hans Wicki est incapable de sortir de son rôle d’homme alibi. La conseillère aux Etats saint-galloise a même marqué des points dans des partis idéologiquement très éloignés d’elle, comme le PS. «Elle est marquée à droite, mais on peut travailler avec elle», a résumé le président du groupe, Roger Nordmann.
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Dernière ronde d’auditions devant les partis. Les candidates PDC Viola Amherd et Heidi Z’graggen (à g.) et les PLR Hans Wicki et Karin Keller-Sutter.
«Viola Amherd a compris que ce n’est pas en donnant des gages à chaque parti qu’on gagne une élection au Conseil fédéral» UN ÉLU