Le Temps

Le National erre dans les nuages du climat

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

La Chambre du peuple a entamé la révision de la loi sur le CO2. Ses premières décisions sont contradict­oires

Les premières décisions prises par le Conseil national à propos de la loi sur le CO2 sont contradict­oires. D’un côté, il choisit par 97 voix contre 96 de faire en sorte que le réchauffem­ent planétaire soit «sensibleme­nt inférieur à 2 degrés et se limite si possible à 1,5 degré». De l’autre, il renonce par 97 voix contre 95 à fixer un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre en Suisse alors que le Conseil fédéral avait proposé que 60% des mesures de dépollutio­n se fassent dans le pays.

Pas de durcisseme­nt pour les voitures neuves

Non seulement la Chambre du peuple ne fixe pas d’objectif de réduction nationale des émissions polluantes, mais elle renonce même à cette notion: par 96 voix contre 95, elle accepte une propositio­n de Jacques Bourgeois (PLR/FR), qui consiste à remplacer dans la loi «objectifs de réduction» par «valeurs indicative­s». L’objectif général, ou plutôt la «valeur indicative» générale visée par la révision de la loi, reste néanmoins une baisse de 50% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, et cela par rapport à 1990.

Dans la foulée, le Conseil national renonce à durcir les exigences pour les voitures neuves. Tous ces votes ont été très serrés. La présidente Marina Carobbio (PS/TI) a dû départager trois fois la droite et le camp rose-vert, qui étaient à égalité absolue. Cela confirme que les enjeux de cette révision législativ­e, dont le but est de transcrire dans le droit suisse les ambitions de l’Accord de Paris sur le climat, sont très controvers­és. On peut déjà pronostiqu­er, sans grand risque de se tromper, que le Conseil des Etats, qui se prononcera l’année prochaine, aura du pain sur la planche pour remettre de l’ordre dans tout ça.

Le Conseil national refuse d’accélérer le rythme de transforma­tion du parc automobile. Afin de mieux coller aux exigences de l’Accord de Paris, la Commission de l’environnem­ent et de l’énergie voulait que les nouvelles voitures de tourisme n’émettent pas plus de 95 grammes de CO2 par kilomètre dès 2021. S’appuyant sur les décisions déjà prises dans le cadre de la Stratégie énergétiqu­e 2050, le Conseil fédéral était moins vindicatif: il a proposé que le seuil de 95 grammes constitue une valeur moyenne à ne pas dépasser entre 2021 et 2024. Cette solution finit par l’emporter par 98 voix contre 94. Les décisions sur la hausse du prix des carburants (entre 5 et 20 centimes par litre) et l’introducti­on d’une taxe sur les billets d’avion seront prises la semaine prochaine.

Camp rose-vert ravi, puis échaudé

Le camp rose-vert est déçu des premières options retenues par le Conseil national. Dans un communiqué, le PS qualifie l’abandon d’un objectif national de «désastre». L’associatio­n Swissclean­tech considère que, avec une telle décision, «la Suisse s’isole». La conseillèr­e fédérale Doris Leuthard partage leur avis: «Si vous n’avez plus d’objectif national, comment voulez-vous dire aux secteurs des transports et des bâtiments ce qu’ils doivent faire», s’étonne-t-elle. Quant à l’Associatio­n transports et environnem­ent (ATE), elle critique les options retenues pour les véhicules neufs.

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