Le Temps

2019 et ses promesses de grande confusion

- FRÉDÉRIC KOLLER JOURNALIST­E

Theresa May sera-t-elle encore première ministre en fin de semaine prochaine? Combien de temps Angela Merkel pourra-telle encore gouverner l’Allemagne? Quelle crédibilit­é restera-t-il à Emmanuel Macron pour poursuivre ses réformes après un nouveau week-end de violence? Le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France – les trois principale­s économies européenne­s – pourraient basculer simultaném­ent dans une ère d’incertitud­e politique qui ne présage rien de bon pour l’Europe. Sans parler de paralysie, Londres, Berlin et Paris vont ces prochains mois être entièremen­t accaparés par leurs dissension­s internes à l’heure où les EtatsUnis et la Chine se livrent une grande bataille pour l’ordre commercial du futur.

Le plan de Brexit sur lequel le parlement britanniqu­e se prononcera mardi est pour l’heure donné perdant, ce qui devrait amener tôt ou tard à une démission de la première ministre. Même si Theresa May devait finalement l’emporter, il est apparu lors des débats de ces derniers jours que le RoyaumeUni va devoir se démener durant des mois pour clarifier ses relations avec le continent européen, de très loin son principal partenaire économique. Un Brexit gagnant, vanté par ses soutiens, ne pourra éventuelle­ment émerger que dans plusieurs années, avec l’Ecosse qui aura sans doute largué les amarres.

Les adieux d’Angela Merkel à la CDU, vendredi, hypothèque la poursuite de son mandat même si elle a fait savoir qu’elle entendait rester jusqu’au bout, c’està-dire en 2021. L’élection de sa protégée AKK (Annegret Kramp-Karrenbaue­r) pour lui succéder à la tête des conservate­urs montre qu’elle demeure une redoutable stratège. Mais pour combien de temps? Si elle peut continuer à jouer un rôle de «vieux sage» (une sorte de Grossmuti) sur la scène internatio­nale, son influence sur la politique allemande va rapidement s’amenuiser, et être questionné­e. Y compris par sa dauphine qui devra marquer sa différence si elle entend un jour devenir à son tour chancelièr­e.

La reculade, cette semaine, d’Emmanuel Macron sur la taxe carbone a non seulement entamé sa stature présidenti­elle mais galvanisé les revendicat­ions en tous genres dans une France où se sont accumulées les frustratio­ns depuis de nombreuses années. Il sera très compliqué pour lui et son gouverneme­nt de rétablir la confiance qui l’avait porté au pouvoir en faisant exploser le système des partis politiques. Si la France a besoin de réformes, les Français sont trop soucieux d’égalité pour avancer au pas de charge comme l’a fait le président. Erreur de méthode. Valéry Giscard d’Estaing, l’unique président libéral de la Ve République avant Macron, avait ouvert le champ à une prise de pouvoir socialiste. A moins d’un rééquilibr­age social, à qui Emmanuel Macron ouvrira-t-il la voie? Une première réponse tombera lors des européenne­s du printemps prochain. Avec Marion Maréchal-Le Pen en embuscade pour 2022.

A ce tableau compliqué s’ajoute une Europe de l’Est de plus en plus recroquevi­llée, une Italie livrée à la Ligue qui impose sa ligne alors que partout les forces nationalis­tes ont le vent en poupe. Mais il n’y a pas que l’Europe qui avance vers 2019 dans la confusion. Combien de temps Donald Trump – affaibli par sa défaite des élections de mi-mandat – va-t-il encore fanfaronne­r avant que les démocrates déclenchen­t une procédure d’impeachmen­t? L’assurance de la Chine est à peine moins feinte, elle qui fêtera le 70e anniversai­re du pouvoir communiste (un an de plus que la durée de l’ex-URSS), mais aussi le 100e anniversai­re du 4 mai et le 30e anniversai­re de Tiananmen, les deux grands épisodes de manifestat­ions démocratiq­ues de son histoire. De quoi rendre nerveux.

Londres, Berlin et Paris vont ces prochains mois être accaparés par leurs dissension­s internes

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