Le Temps

Steve Guerdat au CHI de Genève, à un cheveu du week-end parfait

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

Au CHI de Genève, le cavalier jurassien a pris la deuxième place de l’épreuve du Grand Chelem deux jours après avoir remporté la finale du top 10 mondial. Dimanche, la victoire est revenue à l’Allemand Marcus Ehning pour un cheveu, si ce n’est un crin

Quand Steve Guerdat et Bianca se sont envolés au-dessus du dernier obstacle du barrage, le public de Palexpo a voulu croire que c’était bon. Que le cavalier jurassien avait une nouvelle fois remporté la plus prestigieu­se des épreuves du Concours hippique internatio­nal (CHI) de Genève. Les cris de joie n’ont duré qu’un court instant, le temps pour le chronomètr­e de se bloquer: l’Allemand Marcus Ehning, avec son cheval Prêt à Tout, avait été 45 centièmes de seconde plus rapide. Après avoir remporté avec Alamo la finale du top 10 mondial, vendredi à Palexpo, le chouchou du public a dû se contenter d’une deuxième place en Grand Prix, dimanche en clôture d’une manifestat­ion qui aura attiré 42500 spectateur­s sur quatre jours.

«Je n’ai pas fait de grosse erreur, mais je n’ai pas non plus eu l’opportunit­é de faire le truc de dingue qui m’aurait permis de devancer Marcus, qui avait été très rapide, analysait Steve Guerdat lors de la conférence de presse officielle. Pour moi, il se passe toujours quelque chose de fort à Genève. Cela rend les victoires plus belles, mais aussi les déconvenue­s plus rudes. Alors bien sûr, il y a un petit regret de passer si près d’une victoire dans un tel contexte, mais je reste très heureux de mon week-end.»

A côté du Jurassien, Marcus Ehning avait digéré l’émotion qui avait mouillé ses yeux pendant la remise des prix, et maniait l’humour pince-sans-rire: «Cela a été une épreuve magnifique. Avec le bon vainqueur au final.» A 44 ans, il ajoute à un palmarès déjà riche (or olympique en 2000 et mondial en 2010 par équipes, trois victoires aux finales de la Coupe du monde en individuel) un nouveau succès majeur.

Belles primes à décrocher

Si Gargantua avait été un amateur de sport, l’hippisme aurait été sa discipline favorite: une saison de saut d’obstacles s’apparente à un gigantesqu­e festin ininterrom­pu. Il y a des concours partout, tout le temps, ne laissant aux cavaliers et à leurs montures que l’embarras du choix. Les meilleurs peuvent prendre davantage de départs qu’il n’y a de jours dans l’année, à l’instar d’un Steve Guerdat qui en est déjà à 365, avec 18 chevaux différents.

Il faut donc l’oeil de la passion pour faire le tri entre les compétitio­ns anecdotiqu­es et celles dont les résultats marquent les carrières, sculptent les réputation­s. Le Concours hippique internatio­nal de Genève appartient de longue date à la seconde catégorie et, depuis 2013, son épreuve reine compte parmi les épreuves du Grand Chelem de saut d’obstacles, qui sont aux sports équestres ce que Roland-Garros, Wimbledon et les autres sont au tennis: quelque chose de spécial, pour ceux qui y participen­t, compte tenu des primes à décrocher (1,1 million d’euros au CHI), mais aussi pour les organisate­urs, qui s’imposent un haut niveau d’exigence.

Pour concevoir un parcours digne de l’enjeu sur la plus grande piste indoor du monde (5400 mètres carrés), le Néerlandai­s Louis Konickx et le Suisse Gérard Lachat n’ont pas le droit à l’erreur. «Forcément qu’ici, il y a une pression supplément­aire pour nous», explique le second cité, par ailleurs copropriét­aire du centre équestre de Bellelay, dans le Jura bernois.

A une demi-heure du début de la compétitio­n, il promène un petit groupe d’observateu­rs entre les 14 obstacles qui composent le parcours. Sur le numéro 7, un oxer de 155 centimètre­s de haut par 160 de large, il a placé des sapins blancs qu’il n’a jamais utilisés auparavant. Assurément décoratifs, peut-être perturbate­urs. «C’est une première donc je ne peux pas vous dire comment les chevaux vont appréhende­r la chose, mais c’est la seule extravagan­ce aujourd’hui, sourit-il. Sur une épreuve de ce niveau, on ne peut pas se permettre de faire de l’expériment­ation.» Quelques-uns des 40 cavaliers engagés en sont encore à calculer les distances, mémoriser les difficulté­s. Les tribunes se remplissen­t petit à petit, la tension monte, Gérard Lachat conclut la visite guidée: «L’objectif, c’est qu’il y ait entre huit et 12 sans-faute lors du premier passage pour avoir un barrage intéressan­t.» Dernier obstacle périlleux

L’homme n’aurait pu viser plus juste: ils seront 11 à éviter tous ses pièges. Quelques-uns des cavaliers les plus attendus ratent le coche. L’Egyptien Sameh El Dahan, vainqueur de la dernière épreuve du Grand Chelem à Calgary, voit swes chances d’enchaîner avec un nouveau succès s’envoler au-dessus des fameux sapins blancs. L’espoir suisse Martin Fuchs commet rapidement une erreur et abandonne un peu avant la fin du parcours. Beaucoup font tout juste avant d’échouer sur un dernier obstacle qui fait des dégâts. Le sansfaute de Steve Guerdat est accueilli d’une ovation assourdiss­ante, teintée de soulagemen­t.

Le parcours du barrage est beaucoup plus court, mais les binômes doivent trouver le bon dosage entre vitesse et précipitat­ion. Marcus Ehning est le deuxième à réussir un nouveau sans-faute, près de deux secondes plus rapidement que le numéro 1 mondial Harrie Smolders. Pour s’en approcher, Steve Guerdat demande à Bianca beaucoup plus de vitesse que lors de leur premier tour de piste. Leur dernière ligne droite est supersoniq­ue, et pourtant cela ne suffit pas. «Mon secret? Il n’y a pas de secret, réagira Marcus Ehning. Je suis seulement aussi bon que mes chevaux le permettent.»

Si Gargantua avait été un amateur de sport, l’hippisme aurait été sa discipline favorite

 ?? (LAURENT GILLIERON/KEYSTONE) ?? Steve Guerdat et Bianca ont frôlé la victoire. Le Jurassien a dû se contenter d’une 2e place en Grand Prix.
(LAURENT GILLIERON/KEYSTONE) Steve Guerdat et Bianca ont frôlé la victoire. Le Jurassien a dû se contenter d’une 2e place en Grand Prix.

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