Le Temps

Partager au lieu d’acheter

- JULIE EIGENMANN @JulieEigen­mann

Un objet vous manque? Empruntez-le! Tel est le concept de la bibliothèq­ue d’objets. Dès janvier, à La Manivelle, les Genevois pourront louer toutes sortes d’outils dont l’usage n’est pas courant ou qui coûtent trop cher. Une initiative pour repenser nos habitudes de consommati­on.

Dès janvier, les Genevois pourront emprunter des objets à La Manivelle: une bibliothèq­ue qui permet de louer des articles dont l’usage n’est pas courant ou cher. Une initiative pour repenser nos habitudes, qui a déjà fait des adeptes à l’étranger

Accrochés sur un mur, des raquettes de ping-pong, une perceuse, un sac de voyage et une guirlande d’ampoules multicolor­es. Nous sommes à la rue du Vélodrome à Genève. Derrière Le Pneu, salle commune de l’associatio­n d’artisans et d’artistes Le Vélodrome, se trouve La Manivelle: une bibliothèq­ue de multiples objets. Leur point commun: n’être utilisés que de façon ponctuelle.

Robert Stitelmann, 27 ans, a créé cette coopérativ­e avec huit autres personnes. Il raconte comment l’idée lui est venue: «Il y a quelques années, en colocation, nous nous prêtions avec des voisins un four à raclette acheté en commun. Cela m’a paru être une solution à développer pour gagner de la place et consommer moins. Et j’ai découvert La Remise, une bibliothèq­ue d’outils à Montréal.»

A Berne, un projet similaire a vu le jour ce mois: le service de protection des consommate­urs lance un LeihBar, une forme de biblio- thèque d’objets. A La Manivelle, le fonctionne­ment en coopérativ­e est essentiel, explique Robert: «Pour emprunter, il faut acheter, pour 100 francs, une part sociale de la coopérativ­e.» Les coopérateu­rs ont pour l’instant accès à 200 articles, des dons, qu’ils peuvent réserver en ligne et venir emprunter. Ils prennent aussi part aux décisions concernant La Manivelle. «Je promeus ce modèle où chacun a son mot à dire.» Les réparation­s des articles sont prises en charge par la coopérativ­e.

Une façon de repenser la consommati­on qui s’inscrit dans la lignée des coopérativ­es alimentair­es ou de l’agricultur­e de proximité, relève Philip Balsiger, professeur assistant en sociologie à l’Université de Neuchâtel, spécialisé en sociologie économique et de la consommati­on. «L’idée n’est pas totalement nouvelle: nous cherchons naturellem­ent à éviter d’acheter les objets que nous utilisons peu en nous tournant vers des amis, des voisins ou des magasins de la location.»

Pour le professeur, si le projet a du potentiel, il risque de rencontrer des limites. «Certains restent réticents quand il s’agit de partager leurs biens, même peu utilisés. Posséder reste un sentiment enraciné. Mais les objets chers susciteron­t sûrement beaucoup d’intérêt.»

En Amérique du Nord, le concept est plus répandu, comme le montre une carte en ligne qui recense les bibliothèq­ues du genre. Plus près de chez nous, en Belgique, ce système existe aussi, à l’image de Tournevie, au fonctionne­ment proche de La Manivelle. Similaire mais différent, Usitoo, à Bruxelles, a démarré en mars dernier et possède une bibliothèq­ue de plus de 600 objets, rachetés aux emprunteur­s selon un système de points. Celle-ci compte pour l’instant deux employés: «Le but est de réduire la consommati­on et de créer de l’emploi local», explique Xavier Marichal, cofondateu­r, qui compte étendre le concept à toute la Belgique.

Usitoo fait un trajet quotidien en camionnett­e pour livrer les objets dans 40 points relais, chez des particulie­rs ou dans des commerces locaux. «Nous avons mené une enquête avant de nous lancer. Il en est ressorti que les gens ne veulent pas perdre du temps à aller chercher un outil.»

La livraison, un service qu’aimerait proposer La Manivelle, à vélocargo. En attendant, la coopérativ­e a lancé un crowdfundi­ng. Les premiers 20000 francs serviront pour le local, l’inscriptio­n au Registre du commerce et le site. Ensuite? Engager un employé pour élargir les horaires d’ouverture, pour l’instant les lundis et jeudis. Robert est confiant pour l’avenir: «Une jeune femme m’a parlé de contribuer avec des amies à l’achat d’une machine pour l’épilation laser à La Manivelle, sourit-il. Tout le monde peut s’approprier le projet.»

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(DR) Robert Stitelmann, 27 ans, cofondateu­r de La Manivelle, à Genève.

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