Le Temps

Faire un geste politique fort

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Retour au peuple», répètent certains manifestan­ts. «Dissolutio­n de l’Assemblée», lisait-on samedi sur une banderole. Difficile pour Emmanuel Macron de s’engager sur l’un ou l’autre de ces terrains tant l’arme institutio­nnelle pourrait se retourner contre lui.

Démissionn­er? Il faudrait une énorme aggravatio­n de la situation pour qu’on en arrive là. Dissoudre l’Assemblée nationale? C’est ainsi que le général de Gaulle s’était sorti (à son avantage) des événements de mai 1968. Mais seulement parce que, lasse des nuits d’émeutes, l’opinion publique avait fini, après le 24 mai – après l’ouverture des négociatio­ns de Grenelle –, par se retourner contre l’insurrecti­on. Or, pour l’instant, l’opinion semble toujours favorable aux «gilets jaunes».

Quelle majorité en cas de dissolutio­n?

Dissoudre l’Assemblée, comme l’avait fait Jacques Chirac en avril 1997 après le blocage de la France provoqué par les réformes de son premier ministre, Alain Juppé – ce qui avait amené au pouvoir les socialiste­s de Lionel Jospin –, serait donc faire un sacré pari. Quelle majorité sortirait de nouvelles élections? Faudrait-il repasser par une période de cohabitati­on?

Reste l’éternelle hypothèse de la «politique fusible»: le changement de premier ministre. Critiqué au sein même de la majorité, Edouard Philippe semblait peu fringant la semaine dernière en cafouillan­t sur la «suspension», puis le «report» et enfin «l’annulation», imposée par l’Elysée, des hausses de taxe sur l’essence. Les précédents ne manquent pas. Le général de Gaulle avait renvoyé Georges Pompidou après Mai 68. François Mitterrand avait sacrifié Pierre Mauroy après les manifestat­ions pour l’école libre, en 1984.

Rien de tel cette fois. Quinquenna­t et présidenti­alisation à outrance obligent, Edouard Philippe n’est pas un symbole pour les «gilets jaunes» et il faudrait un remplaçant capable de renouer d’emblée le dialogue. L’ex-socialiste Ségolène Royal? Le président de droite des Hauts-de-France Xavier Bertrand? Le centriste François Bayrou, qui rendit possible son élection mais dut quitter le gouverneme­nt à cause des «affaires»? L’actuel ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, ou le chef de la diplomatie, l’ex-socialiste breton Jean-Yves Le Drian? Rumeurs et hypothèses. D’autant que ce n’est pas la tête du locataire de Matignon qui est demandée par les manifestan­ts, mais bien celle du président de la République. Dernier geste possible: la reprise du projet de réforme constituti­onnelle – très mal en point – pour imposer la baisse du nombre de parlementa­ires (les élus nationaux sont très souvent pointés du doigt par les «gilets jaunes») et élargir la possibilit­é de référendum­s d’initiative populaire. «Jupiter» se réinventer­ait alors en apôtre de la démocratie directe.

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