Le vélo en libre-service a quelques bâtons dans les roues
La justice biffe la solution prônée par le canton et six communes pour installer des vélos à Genève. A Berne, les questions s’accumulent sur le financement de PubliBike, acteur majeur de ce domaine
Le projet de vélo en libre-service à la genevoise vient de subir un revers important. Les autorités cantonales et les communes de Genève, Carouge, Lancy, Onex, Plan-les-Ouates et Vernier s’étaient associées afin d’attribuer une concession à un opérateur en vue d’installer des cycles sur leur territoire. «Par arrêt du 27 novembre communiqué le 4 décembre 2018, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève a admis le recours émis par la société Intermobility SA concernant le projet «Geroule», ont annoncé par communiqué les Transports publics genevois, partenaires de cette alliance. En résumé, le processus engagé depuis 2015 est annulé et doit repartir de zéro, «pour des raisons de pure forme», regrette le texte.
Selon nos informations, le partenaire technique des communes genevoises est la société PubliBike, filiale à 100% de CarPostal, elle-même filiale de La Poste. On le sait depuis la publication en juin dernier d’un rapport qui a fait grand bruit: CarPostal a multiplié les irrégularités comptables entre 2007 et 2015. CarPostal a-t-elle également eu des largesses avec sa propre filiale spécialisée dans le vélo en libre-service, PubliBike?
3,8 millions de francs perdus
A Berne, les interrogations se renforcent. Olivier Feller, conseiller national vaudois, a déposé, en septembre dernier, une interpellation au Conseil fédéral afin d’éclaircir les liens financiers entre ces deux entreprises. La réponse étant «imprécise et lacunaire sur plusieurs points», l’élu PLR en a déposé une nouvelle durant la session en cours.
Dans le rapport d’enquête qui a dressé le tableau des manquements au sein de CarPostal, on apprenait que PubliBike avait perdu 3,8 millions de francs en 2014 et 2015. Sachant que l’entreprise de vélos en libre-service bénéficie d’un capital de 200000 francs et base son modèle économique sur la gratuité offerte aux grandes villes qui veulent bénéficier de ses services (on peut estimer à 20 millions le coût de son installation à Berne et Zurich), notre journal avait interrogé le patron de PubliBike en juin dernier pour savoir si CarPostal finançait son développement. La réponse du directeur avait éveillé la curiosité du conseiller national: il n’y a aucune relation financière entre les deux entreprises, assurait le responsable. PubliBike a un crédit avec La Poste aux conditions du marché, apprenait-on également.
Olivier Feller persiste à demander au Conseil fédéral le montant des pertes enregistrées par PubliBike en 2016 et 2017 ainsi que le taux usuel du marché appliqué aux prêts intragroupe accordés par La Poste. «Les doutes qui m’ont animé sur la légalité de ce financement se renforcent, dit le Vaudois. On sait que PubliBike a peu de fonds propres mais bénéficie d’un crédit de La Poste. On refuse de nous dire à quel taux. Des prestations sont fournies par CarPostal à Publibike, qui verse un forfait mensuel. Couvre-t-il les charges? Si ce n’était pas le cas, il s’agirait d’un subventionnement. Il est temps que le politique reprenne le rôle qu’il a perdu au sein de La Poste où le Conseil fédéral ne prend aucune responsabilité. Novartis ou UBS sont plus surveillés!» La Commission de gestion du parlement fédéral doit remettre prochainement un rapport sur ces questions.
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