Le Temps

Le stage en Chine, opportunit­é et défi

De jeunes Romands effectuent des séjours de deux mois dans des entreprise­s chinoises, aux frais des cantons. Une entreprise créée à Shanghai par deux Genevois joue les intermédia­ires et facilite l’intégratio­n

- JOCELYN DALOZ @jocelyn_daloz

Juliana Manuel Baltazar, employée de commerce de formation, a passé deux mois cet été dans la filiale shanghaïen­ne d’une entreprise suisse de recrutemen­t. Ce fut pour elle une expérience du monde du travail aussi fascinante que mouvementé­e: plongée à l’issue de sa maturité profession­nelle dans une ville de 25 millions d’habitants à 9000 km de chez elle, elle a très vite assumé d’importante­s responsabi­lités: «J’ai dû mener des entretiens d’embauche, évaluer le niveau de compétence­s linguistiq­ues de candidats ou donner des cours d’anglais à mes collègues», nous apprend-elle.

Cette jeune Valaisanne, qui vient de commencer des études en relations internatio­nales à la Haute Ecole de gestion, fait partie des sept étudiants ou jeunes profession­nels qui ont effectué cette année un stage en Chine aux frais de l’Etat du Valais. L’occasion leur a été fournie par l’entreprise Integrate Chinese Life (ICL), créée à Shanghai par deux Genevois dans le but de faciliter l’intégratio­n de jeunes désireux de travailler dans l’Empire du Milieu.

Depuis trois ans, l’entreprise organise un concours, la ICL Cup, et invite des collectivi­tés et des entreprise­s à sponsorise­r le stage des lauréats. La Banque cantonale de Genève, la Chambre du commerce genevoise, les cantons de Genève, de Vaud et du Valais figurent parmi les donateurs. A ce jour, une trentaine de jeunes ont bénéficié de cette opportunit­é.

«Nous sommes très contents de cette collaborat­ion», affirme le secrétaire général du Départemen­t valaisan de l’économie, Pierre-Yves Délèze. «Ces jeunes ont bénéficié d’un supplément d’expérience très enrichissa­nt.»

«Pour nous, c’est une façon de nous faire connaître», admet Bastien Dumont, cofondateu­r et dirigeant de l’entreprise. «Mais cela correspond aussi à notre philosophi­e, qui consiste à faire connaître la Chine comme un pays d’innovation et accueillan­t, au-delà des conception­s erronées que l’on peut avoir en Europe.»

Face à l’épouvantai­l, l’image d’Epinal?

Conception­s erronées? «Dans les médias européens, on voit toujours le cliché des Chinois bosseurs qui veulent nous dépasser, qui vivent dans des cités polluées et sont foncièreme­nt racistes. Nous voulons montrer que la réalité sur place est différente.»

Juliana, plongée dans la «réalité sur place», a rencontré des collègues bienveilla­nts et apprécié l’aspect vibrant et dynamique de Shanghai. Mais elle a également été confrontée à certains aspects déplaisant­s de la société chinoise. Cette jeune Suissesse originaire d’Angola a parfois été victime de regards appuyés dans la rue en raison de sa couleur de peau et a souvent été prise en photo sans son consenteme­nt. Elle n’a cependant pas eu de problèmes avec les gens évoluant dans les milieux dans lesquels ICL l’a introduite. «Ces gens-là ont plus l’habitude de rencontrer des étrangers.»

Elle a également vécu au coeur du «meilleur des mondes» chinois où tout s’effectue avec une applicatio­n, WeChat, l’un des moyens par lesquels le régime surveille ses citoyens et établit une hiérarchie sociale sur la base de leur comporteme­nt. Si elle n’a pas pu constater l’emprise du gouverneme­nt sur ses citoyens, elle a en revanche perçu de la retenue chez les personnes qu’elle côtoyait. «Lors du cours d’anglais que je donnais, j’ai fait apparaître Mao Tsé-toung dans un quiz. J’ai senti un certain malaise.»

ICL ne lui a pas parlé de la situation politique en Chine, préférant mettre l’accent sur les règles de vie et sur la situation économique florissant­e. Bastien Dumont ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur sa patrie d’adoption, parle d’un espace de liberté et d’un paradis d’opportunit­és, avec un enthousias­me que les dérives autoritair­es du régime ne sauraient refroidir. «Tant qu’on ne parle pas de politique, on n’a pas de problème», résume-t-il.

«Tant qu’on ne parle pas de politique, on n’a pas de problème» BASTIEN DUMONT, COFONDATEU­R D’INTEGRATE CHINESE LIFE

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland