Le Temps

Startupers de Suisse et d’Europe, unissez-vous!

- FATHI DERDER CONSEILLER NATIONAL (PLR/VD), PRÉSIDENT DE «LE RESEAU.CH»

C’est l’histoire du verre à moitié plein. Ou vide. La Confédérat­ion en fait tellement peu pour nos start-up que le moindre geste est une fête. Il y a cinq ans, le parlement demande au Conseil fédéral de lancer un fonds de capital-risque alimenté par les caisses de pension. La semaine dernière, le Conseil fédéral répond… qu’il veut bien autoriser un report fiscal illimité des pertes. Ce n’est pas le sujet, mais c’est déjà ça – cette mesure fait partie de nos revendicat­ions depuis longtemps. Champagne. Et le fonds? Ça, désolé, mais «l’Etat ne peut pas inciter les caisses de pension à prendre des risques qu’elles ne sauraient supporter». Texto. On classe la motion, et on oublie le fonds. Le verre est vide, rangez le champagne.

Soyons honnête, ce n’est pas une surprise. La Confédérat­ion n’a jamais manifesté la moindre intention de soutenir quelque fonds que ce soit. L’Etat n’intervient pas, par principe. Et quand le parlement le lui demande, il fait comme si de rien n’était. Il affirme que «l’organisati­on et le financemen­t d’un produit par l’Etat ne faisaient pas partie intégrante de la motion». C’est faux, le texte demande bien au Conseil fédéral de «lancer un fonds». Mais celui-ci l’ignore et conclut que, de toute manière, il n’est pas nécessaire d’intervenir car «les choses commencent à bouger». Sans rire.

C’est vrai que des aventurier­s se battent pour ce fonds depuis des années, sans résultat pour l’instant, dans le pays le plus riche du monde. Et l’Etat ne bronche pas. Alors qu’ailleurs, ça bouge. En 1993, il y a vingt-cinq ans, Israël a créé une des plus puissantes industries du capital-risque du monde en mettant 100 millions sur la table. De l’argent largement récupéré depuis, et multiplié par quelques millions, selon un modèle simple: l’Etat investit, attire des investisse­urs privés, et se retire quand le fonds est mûr. Ce n’est pas compliqué, et ça reste libéral.

Interrogé, le Conseil fédéral reconnaît que la Suisse a pris du retard sur Israël. On admet qu’on a du retard, mais on ne fait rien pour le rattraper. Le capital-risque attendra. C’est pareil pour les talents, l’autre poumon des start-up. Dans une lettre ouverte publiée récemment, les principaux startupers européens dénoncent l’impossibil­ité d’attirer des talents sur le Vieux-Continent à cause de la fiscalité des options. Et la Suisse est pointée du doigt. Qu’en pense le Conseil fédéral? «Il n’y a aucune raison de prendre des mesures.» Point final.

Hasard du calendrier, le parlement vient de lui demander de changer de stratégie. Mais il est probable que, dans quelques années, il décide… de ne rien faire. Parce que «les choses commencent à bouger». Et pendant ce temps, l’Asie et l’Amérique auront creusé l’écart. Heureuseme­nt, les start-up se mobilisent. Une lettre ouverte en Europe et, en Suisse, notre manifeste. Dix revendicat­ions pour maintenir la pression sur nos autorités. Les startupers de Suisse et d’Europe doivent unir leurs discours, et le faire entendre. Pour éviter que notre continent ne prenne un retard irrattrapa­ble. Et pour remplir nos verres, au passage.

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