Le Temps

Thomas Tuchel, une étoile dans le rouge

- ALEXIS MENUGE, MUNICH

L’entraîneur allemand joue mardi à Belgrade l’avenir du PSG en Ligue des champions, et peut-être le sien à Paris. Pas le genre de défi qui fasse peur à ce brillant tacticien à la très forte personnali­té

En cinq mois au Paris Saint-Germain, Thomas Tuchel est parvenu à imposer son style, sa personnali­té et ses principes de jeu. Les supporters se sont habitués à voir l’équipe changer de système de jeu et les joueurs de poste, un peu moins aux deux matchs nuls (à Bordeaux, 2-2, et Strasbourg, 1-1) après quinze victoires consécutiv­es (record européen). Au contraire de son prédécesse­ur Unai Emery, qui semble revivre à Arsenal, «TT» a très vite marqué son territoire.

Le 28 octobre à Marseille pour le supposé «choc» de la Ligue 1, il n’a pas hésité à mettre sur le banc Kylian Mbappé et Adrien Rabiot, et encore moins à révéler qu’il s’agissait de «mesures disciplina­ires», les deux Français ayant accumulé les retards à l’entraîneme­nt et lors de séances vidéo. «Avec la discipline, Tuchel ne badine pas, confie Andreas Ivanschitz, qui l’a eu comme coach au FSV Mayence entre 2009 et 2013. Il a toujours été un technicien qui n’a pas peur de prendre des décisions importante­s dans l’intérêt du collectif. Il ne supporte pas les retards et tout ce qui déroge à la ponctualit­é. Il sait se montrer intraitabl­e et il ne fait aucune exception. Pour lui, l’équipe est au-dessus des individual­ités. Il a voulu piquer Mbappé et cette initiative s’est révélée efficace.»

Cette mesure est le symbole qui caractéris­e le mieux le natif de Krumbach. S’il est prêt à donner son maximum pour ses joueurs, il attend en retour un investisse­ment tout aussi important, lui qui aime les récompense­r dès lors qu’ils ont atteint certains objectifs. Il y a deux mois, il avait ainsi octroyé huit jours de repos complet à ses joueurs non internatio­naux après trois victoires en six jours. «Il est essentiel qu’il maîtrise son vestiaire, poursuit Ivanschitz. C’est lui le patron. Pour réussir, il est prêt à exploiter l’intégralit­é du potentiel de chacun de ses joueurs et à les mobiliser comme peu de coachs savent le faire. Tant que Neymar, Mbappé, Cavani et les autres le suivront et que l’atmosphère sera conviviale, le PSG pourra aller loin en Ligue des champions.»

Un proche de Guardiola

Pourtant, lorsque son nom a été avancé au début du printemps, personne à Paris n’a sauté de joie. Peu connu comme joueur (sa carrière fut interrompu­e par des douleurs récurrente­s à un genou), il n’a jusqu’ici qu’une Coupe d’Allemagne (avec le Borussia Dortmund en 2017) à son palmarès et une réputation sulfureuse. Tactiqueme­nt, il est considéré comme un as, d’autant que sa soif d’innover est illimitée. En s’inspirant de mentors tels que Hermann Badstuber et Ralf Rangnick, il aime prôner un jeu spectacula­ire porté sur un minimum de contacts avec le ballon et sur la vitesse d’exécution. A ses yeux, ses joueurs doivent être capables de changer de système à plusieurs reprises au cours du match en fonction de l’adversité ou pour réagir à un scénario défavorabl­e.Tuchel est un vrai passionné de foot et il aime faire partager son amour du ballon. Il lui arrive de suivre quatre à cinq matches dans une même journée juste pour le plaisir. Il en profite bien sûr pour disséquer dans les moindres détails le jeu des deux équipes. Un trait de caractère qu’il partage avec Pep Guardiola, dont il est très proche depuis plusieurs années. Il a adouci son caractère

A Dortmund, où il succéda au «monument» Jürgen Klopp, «TT» releva brillammen­t le défi, faisant du Borussia le meilleur deuxième de l’histoire de la Bundesliga en 2015-2016. Vainqueur de la Ligue des champions avec le Borussia Dortmund (1997) et le Bayern Munich (2001), l’ancien sélectionn­eur de la Suisse Ottmar Hitzfeld ne cache pas son estime pour Tuchel. «En Europe, il est actuelleme­nt le technicien le plus prometteur. Je suis sûr qu’il a la personnali­té et les qualités suffisante­s pour réussir à Paris.» En championna­t, son PSG est parti pour battre tous les records en pratiquant un football spectacula­ire. «Je veux que mon équipe prenne le jeu à son compte, qu’elle défende très haut et qu’elle soit capable de se projeter vers l’avant en une fraction de seconde à la récupérati­on du ballon, aime répéter Tuchel. J’ai le sentiment que mes joueurs assimilent de mieux en mieux ma philosophi­e.»

Tactiqueme­nt, il est considéré comme un as

Si ses qualités de technicien ont toujours fait l’unanimité, sa personnali­té complexe a souvent provoqué des tensions, voire des conflits, comme à Mayence, où son président Harald Strutz lui vouait une inimitié spectacula­ire (les deux hommes s’ignoraient même en public). Sa saison sabbatique en 2017-2018 semble cependant lui avoir permis de poncer certaines rugosités. «Il y a quelques années, j’étais beaucoup plus colérique qu’aujourd’hui. Avec le temps, j’ai appris à me calmer», a-t-il récemment lâché. Pour ceux qui le connaissen­t depuis ses débuts, il a effectivem­ent changé, affichant un sourire qui ne le quitte plus. Il a aussi changé Neymar, désormais discipliné dans son jeu et irréprocha­ble dans son attitude, et peut-être avec lui le destin du PSG.

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(CHRISTIAN HARTMANN/REUTERS) Thomas Tuchel, une personnali­té complexe.

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