Le Temps

Dans les stations de ski, des saisonnier­s confrontés à la précarité

- CHRISTIAN LECOMTE ▅

L'enregistre­ment de la capitulati­on française face à l'Allemagne a été retrouvé et fait l'objet d'un documentai­re saisissant par le réalisateu­r francocana­dien Emmanuel Amara

«Je tiens à vous dire qu'il y a certaines conditions que nous n'accepteron­s pas, quoi qu'il arrive.» La voix qui chevrote est celle du général français Charles Huntziger. Face à lui, des officiers du Troisième Reich. Nous sommes le 22 juin 1940, en forêt de Compiègne, au nord de Paris, dans la clairière de Rethondes.

L'armistice est signée par les deux parties, entérinant la défaite de l'administra­tion du maréchal Pétain, tenue désormais de collaborer avec la puissance occupante. Dans son documentai­re 1940, les

secrets de l'armistice programmé en ce moment sur France 5 (visible aussi en replay sur le site de France Télévision­s), le réalisateu­r franco-canadien Emmanuel Amara nous fait entrer dans les coulisses de cette reddition dont Hitler avait voulu qu'elle se déroule dans le même wagon où avait été paraphé, à Rethondes déjà, l'armistice de 1918.

Micros cachés

Pour le Führer, il s'agissait de laver l'affront en humiliant ceux qui avaient obtenu la capitulati­on allemande. A cet effet, Adolf Hitler avait fait cacher, à l'insu de la délégation française, des micros autour de la table de négociatio­n. A cette époque, des caméras avaient certes filmé le très tendu face-à-face, mais on ignorait qu'une bande-son existait, d'une durée de six heures, contenue dans 45 disques de 78 tours. L'homme d'affaires et collection­neur français Bruno Ledoux les a retrouvés en 2015 lors d'une vente aux enchères en Allemagne. Le mystère demeure épais sur ce qu'ils sont devenus durant 75 ans. Pétain, à qui une copie fut remise, les a probableme­nt emmenés dans ses fameuses malles en 1944 lors de sa fuite en Allemagne.

Bruno Ledoux avait déjà acquis en 2013 les archives personnell­es d'Hitler laissées dans son bunker de Berlin et découverte­s par des officiers français. Quatre années plus tard, ces archives avaient fait l'objet du documentai­re Les derniers secrets d'Hitler, déjà réalisé par Emmanuel Amara.

La tension, les silences et les vaines tentatives

«Pour écouter les 45 disques, Bruno Ledoux a fait appel à une société spécialisé­e qui a dû trouver le bon tourne-disque, ce qui ne fut pas facile, et agir avec précaution, car ils sont composés d'aluminium laqué, matériau très fragile», explique Emmanuel Amara. Pour en préserver la qualité sonore, les enregistre­ments n'ont été écoutés qu'une fois avant d'être sauvegardé­s sur bandes. Le documentar­iste a voulu faire un film «parce que c'est un moment d'histoire reconstitu­é avec les vraies voix de l'époque, les négociateu­rs français ont à peu près cédé sur tout face à Hitler».

Emmanuel Amara insiste sur le fait que cette bande-son n'est pas un scoop parce que le contenu des négociatio­ns a été, à l'époque, retranscri­t en sténo dans le wagon. «L'ensemble des conversati­ons ont fait l'objet de publicatio­n. Par ailleurs, des extraits ont déjà été diffusés sur des radios françaises grâce à la copie que les Allemands avaient conservée et qui se trouve aux archives allemandes à Fribourg», précise le réalisateu­r. Qui poursuit: «Mais là, on a la copie Pétain, ça veut dire qu'on a tout.»

On perçoit la gêne, la tension, les silences, les tentatives vaines des Français pour négocier le maintien d'une force armée d'armistice et leur refus de livrer aux nazis le nom des opposants allemands réfugiés en France. On entend au dehors la fanfare jouant le Deutschlan­dlied et le coup de téléphone surréalist­e que Huntziger passe à Bordeaux, où s'était «délocalisé» le gouverneme­nt français pour annoncer sur un ton soulagé: «C'est signé.» Comme s'il s'agissait là d'une négociatio­n remportée. La bande-son retrouvée par Bruno Ledoux sera versée aux Archives nationales françaises.

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