Le Temps

La paix est loin d’être gagnée en Irak

- SOPHIE WOELDGEN @SophieWoel­dgen

Plus d’un an après la reprise de Mossoul des mains de l’Etat islamique, près de deux millions d’Irakiens ne sont toujours pas rentrés chez eux. Le processus prendra du temps, met en garde le CICR

La situation est encore loin d'être stabilisée en Irak. Le président du Comité internatio­nal de la Croix-Rouge (CICR), Peter Maurer, revient d'une visite de trois jours dans le pays, qui se relève péniblemen­t de la guerre contre l'Etat islamique. Il s'est notamment rendu dans la ville dévastée de Mossoul, l'ancienne capitale du califat, reprise par l'armée irakienne en juillet 2017.

Le CICR n'est pas près de quitter l'Irak. «On ne peut pas partir, même si les grandes batailles sont passées. Les problèmes sont toujours là, il reste 1,8 million de déplacés internes. Des tensions subsistent dans la société irakienne, notamment entre les chiites et les sunnites.» La minorité sunnite avait d'abord plutôt bien accueilli l'arrivée de l'Etat islamique. De nombreux sunnites paient encore aujourd'hui le prix de cette collaborat­ion réelle ou supposée. Et ils sont relégués dans des camps sans pouvoir rentrer chez eux.

«Le processus de retour est complexe et prendra du temps», concède Peter Maurer. Il faut aussi tenir compte des peurs des communauté­s traumatisé­es par les exactions de l'Etat islamique. «Nous ne plaidons pas pour accélérer les choses mais le statu quo n'est pas tenable», poursuit le président du CICR.

Accès aux prisonnier­s étrangers

«A la suite des mouvements de population­s, une nouvelle réalité géographiq­ue s'est installée. Celle-ci va être difficile à inverser», confirme Myriam Benraad, chercheuse associée à l'Institut de recherches et d'études sur les mondes arabes et musulmans. Mais la spécialist­e est plus sévère sur les autorités de Bagdad: «Les Irakiens qui ont fui Mossoul aspirent à rentrer chez eux mais rien n'a été fait depuis la reprise de la ville. Il y a un manque de volonté absolu de la part d'un Etat corrompu.»

Outre l'approvisio­nnement en eau potable, en abris, en nourriture et en soins de santé ou la recherche des disparus, le CICR peut visiter les prisonnier­s dans les geôles irakiennes. «L'accès est inégalé comparé aux autres pays du Moyen-Orient», se félicite Peter Maurer. Le CICR rend aussi visite aux djihadiste­s étrangers capturés par les Irakiens. Les EtatsUnis viennent de réclamer que ces détenus soient rapatriés dans leur pays d'origine. Qu'en pense le CICR? «Chaque Etat a la responsabi­lité de ses ressortiss­ants mais nous sommes prêts à faciliter des transferts humanitair­es, notamment en ce qui concerne des enfants», répond Peter Maurer.

Les Etats-Unis partis pour rester

L'Irak se retrouve prise dans la rivalité croissante entre les EtatsUnis et l'Iran. Dimanche, Donald Trump a annoncé vouloir rester en Irak pour «surveiller l'Iran». Sa justificat­ion? «Si quelqu'un cherche à fabriquer des armes nucléaires, nous allons le savoir avant qu'il le fasse.» A la suite de cette annonce, Bagdad a relancé les appels au départ des troupes américaine­s. «La Constituti­on irakienne rejette toute utilisatio­n de l'Irak comme base pour frapper ou agresser un pays voisin», a indiqué lundi le nouveau président, Barham Saleh. Les députés de la majorité chiite font du départ des troupes américaine­s «une obligation nationale».

La sortie de Donald Trump n'a pas été une surprise pour Myriam Benraad: «C'est certain, l'Irak va rester dans le pré carré des Etats-Unis. Les Russes vont récupérer la Syrie, et les Américains, l'Irak, où ils ont énormément d'intérêts et d'enjeux stratégiqu­es», explique-t-elle.

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