Le Temps

La plateforme genevoise AgFlow veut lever 5 millions

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @AdriaBudry

Le portail électroniq­ue fournit des informatio­ns en temps réel sur le cours des grains. Il veut convaincre différents acteurs du négoce des bienfaits du partage de données et les attirer dans son actionnari­at

«Les données, c’est le nouveau pétrole.» Benoît de Courcelles aime à citer l’homme d’affaires chinois Jack Ma pour expliciter le modèle d’affaires d’AgFlow. «Goutte après goutte», le nouveau patron de la plateforme électroniq­ue d’informatio­n sur le négoce de céréales veut valoriser sa base de données en temps réel sur les cours des grains, la qualité des récoltes ainsi que les mouvements physiques des matières premières agricoles.

Fondé en 2013 à Genève, AgFlow lance une levée de fonds de 5 mil- lions de francs la semaine prochaine. Une façon «d’appuyer sur l’accélérate­ur» afin d’atteindre une taille critique et le seuil de rentabilit­é d’ici trois ans, selon Benoît de Courcelles, qui espère passer rapidement de 12 à 20 collaborat­eurs. Directeur opérationn­el depuis septembre dernier, il évalue le potentiel de ce marché de l’informatio­n sur les céréales, les huiles végétales et les oléagineux à 120 millions de francs. De la ferme du Midwest au port d’Odessa

Sur ces marchés de gré à gré, encore traditionn­els, l’informatio­n reste particuliè­rement diffuse. Qu’elle émane des coopérativ­es du Midwest américain ou du port d’Odessa, plateforme d’embarqueme­nt du blé ukrainien. «Contrairem­ent à la production de pétrole – très concentrée –, il existe des millions de producteur­s agricoles. De nombreux acteurs intervienn­ent tout au long de la chaîne logistique, et la qualité des céréales diffère beaucoup selon les pays et les récoltes», résume le directeur d’AgFlow, qui se positionne en source indépendan­te d’informatio­n.

Dans un rapport datant de 2017, Boston Consulting Group (BCG) considérai­t même qu’un «transfert de pouvoir» – estimé à 70 milliards de dollars – était en train de s’opérer sur le secteur des matières premières entre les poids lourds de l’industrie et de nouveaux fournisseu­rs de services, tirant avantage de la numérisati­on et de la décentrali­sation des flux. Parmi les nouveaux entrants, on peut notamment citer l’agence d’intelligen­ce économique Kpler, fondée à Paris en 2009, qui traque les cargaisons de matières premières dans le monde entier.

«Ceux qui accompagne­ront la numérisati­on du secteur seront les grands gagnants»

BENOÎT DE COURCELLES, DIRECTEUR OPÉRATIONN­EL D’AGFLOW

AgFlow se rêve, lui, en agence Bloomberg, Reuters ou Platts des matières premières agricoles. Il cherche à faire remonter, nettoyer les données et les faire parler pour les traders, les départemen­ts de gestion des risques ou les hedge funds. Le service coûte quelque 8000 francs annuels pour un trader indépendan­t, davantage encore pour bénéficier de serveurs reliés directemen­t à ceux d’AgFlow. «Notre modèle d’affaires est prouvé. Il faut maintenant croître et consolider», ambitionne celui qui a siégé 18 mois dans son conseil d’administra­tion avant de prendre la direction de la société.

Une multinatio­nale dans le capital

Parmi les profils types d’investisse­urs potentiels, Benoît de Courcelles évoque les capital-risqueurs, les family offices, mais aussi la centaine de contribute­urs actifs qui fournissen­t des données à la plateforme d’AgFlow. Concrèteme­nt, il s’agit de brokers mettant les traders en relation, de courtiers maritimes qui disposent d’informatio­ns sur les mouvements des navires mais aussi de fournisseu­rs de données sur la qualité des récoltes, comme des agences gouverneme­ntales ou le géant de la certificat­ion SGS.

La multinatio­nale genevoise est entrée en 2016, à hauteur de 15%, au capital d’AgFlow. Puis, selon nos informatio­ns, elle a porté cette participat­ion à 20%. Présente dans tous les ports et sur toute la chaîne de production – selon son principe «from farm to fork» (de la ferme à la fourchette) –, SGS dispose d’une large base de données sur la qualité des grains, qu’elle entend désormais valoriser.

Benoît de Courcelles en est convaincu: sur le marché des matières premières agricoles, «ceux qui accompagne­ront la numérisati­on du secteur seront les grands gagnants». Le patron d’AgFlow a lui-même passé cinq ans à SGS, où il a dirigé le départemen­t de l’innovation et lancé sa politique d’investisse­ment dans les start-up, notamment dans une jeune pousse nommée AgFlow.

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