Le Temps

Changement climatique: du diagnostic au remède

- CHARLES WYPLOSZ

Grâce à la jeunesse, le débat est enfin lancé là où il doit être mené, dans l’opinion publique. Les dérèglemen­ts climatique­s ne sont plus des prédiction­s scientifiq­ues absconses, ils sont visibles, mais la majorité des gouverneme­nts traînent les pieds et se réfugient dans des actions symbolique­s, parfois contradict­oires, rarement efficaces. Les industries polluantes s'évertuent à retarder l'échéance, parfois en se déclarant vertes à grand renfort de publicité sans, bien sûr, changer grand-chose. Même si le monde de la finance promeut des investisse­ments verts, les entreprise­s polluantes qui sont profitable­s ne semblent pas manquer de financemen­ts. Dans leur écrasante majorité, les mouvements écologique­s restent accrochés à leurs vieilles lunes, rejetant le nucléaire et l'éolien.

Devant une telle débauche de propagande et de fausses actions, il n’est pas surprenant que l’opinion publique s’y perde. Le phénomène des «gilets jaunes» en France est un symptôme supplément­aire de l'habituelle réaction face à un problème qui requiert les efforts de chacun: que les autres paient, je n'en ai pas les moyens. Il ne faut pas se bercer d'illusions, la lutte contre le réchauffem­ent climatique est coûteuse. Les gouverneme­nts ne bougeront sérieuseme­nt que lorsque leurs opinions publiques seront suffisamme­nt convaincue­s, pas seulement du problème, mais aussi des solutions, pour en accepter le prix. Ils se contentent de proposer des mesures inefficace­s, souvent autoritair­es, comme la décision allemande d'arrêter le nucléaire, qui n'émet pas de carbone, pour le remplacer par le charbon, la pire source du réchauffem­ent climatique.

C’est pour cela que la déclaratio­n signée par 27 Prix Nobel d’économie, par tous les anciens gouverneur­s de la banque centrale des Etats-Unis et par 15 présidents du Conseil des conseiller­s économique­s du président est importante. Récemment publiée dans le Wall Street Journal, cette déclaratio­n en cinq points résume de manière claire l'état des connaissan­ces en économie sur la question. Voici sa traduction:

1. Une taxe carbone offre le moyen le moins coûteux de réduire les émissions de CO2 à l’échelle et à la vitesse nécessaire. En corrigeant un dysfonctio­nnement bien connu des marchés, une taxe carbone enverra un puissant signal, apte à mobilier la main invisible du marché pour diriger les acteurs économique­s vers un futur à bas carbone.

2. La taxe carbone devrait augmenter chaque année, jusqu’à ce que les objectifs de réduction d’émissions soient atteints. Ils doivent être neutres en termes de pression fiscale pour éviter de relancer le débat sur cette question. L'augmentati­on continue du prix du carbone encourager­a les innovation­s technologi­ques et le développem­ent des infrastruc­tures. Elle permettra aussi la diffusion de produits et de services économes en carbone.

3. Une taxe carbone suffisamme­nt robuste et en augmentati­on progressiv­e remplacera les diverses réglementa­tions sur le carbone, qui sont moins efficaces. En remplaçant des réglementa­tions encombrant­es par le signal du prix, elle promouvra la croissance économique et assurera la stabilité dont les entreprise­s ont besoin pour investir dans des solutions énergétiqu­ement propres.

4. Pour éviter des fuites et protéger la compétitiv­ité des Etats-Unis, un ajustement aux frontières doit être établi [note de traduction: il s'agit de taxer les produits importés de pays qui n'appliquent pas la taxe carbone]. Un tel système permettra de renforcer la compétitiv­ité de celles des entreprise­s américaine­s qui sont plus efficaces en matière d'utilisatio­n de l'énergie que leurs concurrent­s étrangers. Ce système encourager­a aussi les autres pays à adopter la taxe carbone.

5. Pour assurer l’équité et la viabilité politique de la taxe carbone, tous les revenus collectés devront être rendus aux citoyens sous la forme de versements forfaitair­es égaux. La majorité des familles américaine­s, y compris les plus vulnérable­s, y gagneront en recevant plus sous la forme de «dividendes carbone» qu'elles ne paieront sous la forme d'augmentati­on des prix de l'énergie.

Voilà, c’est simple et ce sera d’autant plus efficace qu’appliqué universell­ement. Il a fallu un long moment aux climatolog­ues pour convaincre l'opinion publique. Il est temps que l'on passe à la mise en oeuvre de la réponse et à son explicatio­n claire pour que les opinions publiques y adhèrent au lieu de la combattre.

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