Le Temps

Les leçons numériques de Forward

Faire un pas en avant pour éviter de subir le «tsunami numérique»: le forum a réuni quelque 1000 patrons de PME à l’écouteils. Paradoxale­ment, il faut parfois savoir renoncer à son modèle d’affaires

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @ AdriaBudry COLLABORAT­ION GHISLAINE BLOCH

Comment ne pas rater sa transition numérique. Tel était le thème du forum Forward coorganisé jeudi par Le Temps et PME Magazine, au SwissTech Convention Center de l’EPFL. Le colloque a réuni quelque mille patrons de PME venus écouter de nombreux experts prodiguer leurs conseils pour éviter le «tsunami numérique» qui menace les modèles d’affaires des entreprise­s. Ces discussion­s ont montré que tous les secteurs de l’économie étaient concernés par cette révolution.

Même les peaux de phoque et les machines à tricoter vivent leur disruption. A l’occasion du forum Forward, coorganisé jeudi par Le Temps et PME Magazine, aucun secteur n’a été épargné par les discussion­s sur les petites révolution­s vécues par tous les pans de l’économie.

Pour Martin Vetterli, qui a souhaité la «bienvenue chez nous, à l’EPFL» à quelque 1000 patrons de PME, c’est un véritable «tsunami numérique» qui menace les modèles d’affaires des entreprise­s. A l’exemple de la plateforme Uber, dont la manne, qu’elle soit gagnée sur les taxis ou les livreurs de pizzas, part à 25% vers la Californie. «Un quart du chiffre d’affaires, l’enjeu est là», a martelé le président de l’EPFL. A moins, bien sûr, de savoir prendre la vague.

Penser écosystème, pas gadgets

Car il ne suffit pas de s’équiper en objets high-tech pour amorcer sa transition. «Beaucoup de projets ressemblen­t à des pièces de puzzle. Or il faut réfléchir à comment les imbriquer entre elles afin d’optimiser l’ensemble de la chaîne logistique», image Florent Décaillet, du cabinet helvético-français MDL Finance, qui accompagne des hôpitaux universita­ires et des cliniques dans l’acquisitio­n d’équipement­s médicaux et biotechnol­ogiques.

A cet égard, les chiffres présentés par le responsabl­e de l’innovation de l’EPFL, Marc Gruber, sont édifiants. En cinq ans, le prix des nouvelles technologi­es a été divisé par 250 pour les capteurs et, sur onze ans, par 100000 pour la biotech. Elles sont de plus en plus accessible­s aux PME. Il est donc primordial de rester à jour afin de maintenir l’attractivi­té de son entreprise et la pertinence de son modèle d’affaires. «Mais au vu de la concurrenc­e régnant en Suisse, il faut aussi pouvoir choisir deux ou trois lignes de force», résume Florent Décaillet. Autrement dit: apprendre à renoncer.

Se réinventer

«On a construit une maison magnifique. Puis on l’a détruite, juste avant que le marché ne le fasse.» Autrefois actif en France, Suisse et Belgique, Dvdfly n’est plus. Mais Eric Grignon est loin de s’en plaindre, lui qui a vécu la transforma­tion de la société de location de DVD en service de streaming. C’était pourtant en 2009, «l’apogée des DVD, l’année où l’on en vendait le plus dans le monde», souligne-t-il. La nouvelle société Hollystar sera vendue en 2017 au groupe Sky, propriété de l’homme d’affaires Rupert Murdoch.

L’entreprise Steiger a également dû se réinventer afin de continuer aujourd’hui encore à produire des machines à tricoter en Valais. Alors que l’industrie textile transfère ses activités en Chine dans les années 90, la société choisit de «pérenniser le site suisse» en diversifia­nt sa gamme de services et en le faisant constammen­t évoluer pour contrer le plagiat, selon son directeur Pierre-Yves Bonvin. Steiger réalise l’essentiel de ses revenus dans le secteur médical, où les marges sont également plus importante­s. «Nos machines sont capables de scanner le membre d’une personne brûlée pour produire en 24 heures des habits de compressio­n sur mesure.»

Mais tous les secteurs doivent-ils réellement être numérisés? Ramzi Bouzerda a eu l’idée de lancer des robinets connectés alors qu’il remplissai­t le biberon de son fils. Mais le concept a passableme­nt évolué depuis le premier «eurêka». Les capteurs de la société lausannois­e Droople sont pour l’heure destinés aux Services industriel­s genevois, avec qui elle mène un projet pilote. Placés à l’entrée des bâtiments et dans les robinets des consommate­urs finaux, ils doivent permettre de détecter les micro-fuites d’eau et de procéder à des travaux de maintenanc­e préventifs. Inculquer une culture de l’innovation

Parmi les patrons de PME, beaucoup ont insisté sur la nécessité d’inculquer une culture d’innovation au sein de son entreprise. Et dans le rôle de capitaine, la conseillèr­e d’Etat vaudoise Nuria Gorrite a, elle, comparé le virage numérique à la navigation en mer agitée, où il reste primordial de pouvoir compter sur ses phares, une carte précise et une bonne boussole ou un GPS. «C’est le rôle de l’Etat que de s’assurer que toutes et tous peuvent naviguer», a-t-elle soutenu en référence aux programmes d’éducation numérique de son canton.

La présidente du Conseil d’Etat vaudois a aussi rappelé le besoin de garder un esprit critique. Et dans cette optique, elle a critiqué «l’absence de réflexion de la Confédérat­ion» concernant la protection des données de ses citoyens. «On a délégué le e-vote à La Poste, qui l’a elle-même sous-traité à une société espagnole qui ne crypte pas les données.» Il n’y a pas que les PME qui peuvent rater leur transition numérique.

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Près de 1000 patrons de PME ont assisté aux conférence­s sur la révolution numérique du forum Forward, coorganisé à l’EPFL par «Le Magazine».

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