Le Temps

Une cathédrale à la flamme musicale

Du 13 au 15 février, le monument accueiller­a des concerts éclairés à la flamme de quelque 3700 bougies. Un projet poétique et ambitieux porté par Renato Häusler, le guet de la cathédrale, qui sera reconduit annuelleme­nt

- VIRGINIE NUSSBAUM @Virginie_Nb Les Lumières de la cathédrale, cathédrale de Lausanne, du 13 au 15 février. Réservatio­ns: Monbillet.ch

Quelque 3700 bougies vont illuminer la beauté des reliefs et des colonnes de l’édifice historique, où résonnera la Petite Messe solennelle de Rossini entonnée par 50 choristes. Du 13 au 15 février, la cathédrale de Lausanne allume une flamme poétique entre ses murs. Une initiative ambitieuse portée par Renato Häusler, le guet de la cathédrale, pour qui «la symbiose entre la lumière et la musique crée une atmosphère particuliè­rement propice à l’écoute».

Dans la pénombre de la fin d’après-midi, Renato Häusler décrypte la nef. «Les piliers, vous voyez, sont de taille inégale. Pourtant, l’architectu­re reste extraordin­airement équilibrée et modeste. On est loin d’une course à la hauteur.» Depuis plus de seize ans qu’il les veille, autant dire que le guet de la cathédrale connaît ces reliefs de pierre par coeur. Et c’est pour en dévoiler encore mieux la beauté qu’il s’apprête à l’habiller de musique… et d’une nuée de lumières. Celles, vacillante­s et douces, de quelque 3700 bougies.

Des bocaux remplis de cire liquide, pour être précis, préparés par Renato Häusler luimême en haut de son clocher et qui se nicheront, dès mercredi prochain, dans les moindres recoins du monument: du choeur à la tour-lanterne en passant par le transept, où toutes les colonnette­s et piliers seront ceinturés de couronnes lumineuses évoquant un ciel étoilé.

Pour la préparatio­n et l’installati­on, compter une centaine d’heures. Un travail titanesque et le projet le plus colossal jamais entrepris par Renato Häusler depuis que celui-ci s’est converti en roi de la chandelle. Car depuis 2005, en plus d’annoncer religieuse­ment l’heure, le guet est à la tête de Kalalumen, société spécialisé­e en illuminati­ons à la bougie. Invité dans toute l’Europe, le Vaudois éclaire des édifices historique­s et religieux, de grands jardins ou encore des scènes de théâtre de centaines de flammes.

Langage universel

Mais c’est bien à la cathédrale de Lausanne que l’idée lui est apparue un soir, alors qu’il se promenait dans la nef. «J’ai vu ma lanterne illuminer la pierre claire d’un pilier, ça m’a fait comme un flash.» Sans aucune expérience en scénograph­ie, le guet ne tarde pourtant pas à concevoir sa première installati­on de bougies, couplée d’un concert, dans l’imposant monument. L’événement attire des milliers de curieux.

«J’ai compris que la symbiose entre la lumière et la musique créait une atmosphère particuliè­rement propice à l’écoute. Et l’éclat de la flamme, qui est un langage universel, révèle d’une tout autre manière les volumes d’un lieu qu’on pensait connaître.»

Après une tournée européenne dans des lieux symbolique­s de la Première Guerre mondiale l’an dernier, Renato Häusler revient dans son fief lausannois avec un nouveau projet ambitieux, Les Lumières de la cathédrale: au programme, un nombre record de bougies installées pour deux soirées musicales, qui verront mercredi et jeudi un choeur constitué spécialeme­nt pour l’occasion faire résonner la Petite Messe solennelle de Rossini sous la voûte gothique.

Sans se brûler

C’est à Julien Laloux, jeune chef de choeur et d’orchestre, qu’a été confié le volet musical de l’opération. La mission l’a tout de suite enthousias­mé. «J’aime créer mes concerts comme des moments forts, hors du commun. Et ici, le soin que j’aime apporter à la beauté du son, à la fusion des voix trouve son penchant visuel.»

Originalit­é, recherche de l’excellence aussi. Auditionné­s par ses soins, 50 choristes expériment­és entonneron­t donc la Petite Messe, «porteuse autant pour les choristes que le public et qui alterne intimité et explosions de joie, faisant écho à l’architectu­re du lieu».

Si les interprète­s se nourriront de la lumière chaleureus­e et mystérieus­e des chandelles, ils devront tout de même composer avec un petit challenge logistique: tourner les pages de leur partition, éclairée par trois lumignons, sans se brûler. «Dans mon cas, précise Julien Laloux, Renato a installé des miroirs grossissan­ts de part et d’autre du lutrin, qui réfléchiro­nt la lumière des bougies et m’aideront à y voir plus clair!»

Loin à la ronde

Réunir des acteurs locaux pour mettre en valeur un symbole de la ville, Nicolas Gyger, adjoint aux Affaires culturelle­s de l’Etat de Vaud, salue l’initiative. Le canton n’a d’ailleurs pas hésité à mettre à dispositio­n la cathédrale et à offrir son soutien financier. «Nous avons de la chance d’avoir un guet autant motivé par l’amour qu’il porte à ce bâtiment.»

Et qui peut espérer le faire rayonner loin à la ronde. Car si l’événement risque d’intéresser avant tout les habitués du lieu, Nicolas Gyger n’exclut pas que les curieux se déplacent de plus loin pour le découvrir, ou le redécouvri­r. Outre les concerts, des visites nocturnes gratuites seront d’ailleurs proposées le vendredi, afin qu’un large public puisse venir voir scintiller les bougies.

«L’éclat de la flamme est un langage universel» RENATO HÄUSLER, GUET

DE LA CATHÉDRALE DE LAUSANNE

Un coup de projecteur qui pourrait devenir un rendez-vous, puisqu’il est prévu de reconduire l’événement chaque année, avec des propositio­ns musicales et invités renouvelés. Renato Häusler, lui, ne manque en tout cas pas d’inspiratio­n lumineuse. «La cathédrale, c’est du pain bénit! J’ai déjà deux scénarios en tête», sourit le guet, qui, pour éviter la surenchère de mèches, envisage aussi des atmosphère­s plus intimistes. La grande dame de Lausanne n’en a visiblemen­t pas fini de briller.

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(FRANÇOIS VITTOZ) Lors de la dernière édition des Lumières de la cathédrale, en février 2018.

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